Philippe Guerret, M2i - « La France se doit d’être leader mondial dans le domaine des phéromones »
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Les phéromones gagnent du terrain sur le marché de la protection des cultures. Pour Philippe Guerret, cofondateur et président-directeur général de M2i Group, la France possède tous les savoir-faire pour devenir leader mondial dans le domaine de ces solutions alternatives.
M2i Group, créé en 2013 avec trente collaborateurs et deux sites, emploie aujourd’hui en France deux cents personnes réparties sur quatre sites incluant la R&D, la production, la formulation et le conditionnement de solutions à base de phéromones. Le groupe, présent dans le secteur du biocontrôle végétal et animal, est détenteur d’une trentaine de familles de brevets et voit ses 70 produits commercialisés dans 65 pays sur tous les continents, pour les jardiniers amateurs, les collectivités et les agriculteurs. Il se présente comme le leader européen dans le domaine de ces solutions alternatives, avec des pièges, des solutions de confusion sexuelle et des répulsifs naturels. Après avoir créé une filiale en Afrique du Sud en 2019 et au Chili en 2021, M2i poursuit son déploiement en Argentine et en Amérique du Nord.
Référence agro : Vos accords de distribution avec les agrochimistes multinationaux comme Corteva, Syngenta ou Compo Expert sous-entendent-ils que les phéromones commencent à s’imposer en agriculture ?
Philippe Guerret : Nous ne sommes arrivés sur le marché agricole que récemment, avec une première homologation l’an passé, mais ce secteur devrait bientôt constituer l’apport principal de notre chiffre d’affaires. Le besoin d’alternatives aux produits phytosanitaires de synthèse fait bouger les lignes. L’opposition entre les différents types d’agriculture n’est plus de mise, l’approche culturale a évolué. La transition agroécologique se fera avec les agrochimistes, qui intègrent désormais les phéromones dans leurs portefeuilles de solutions pour présenter une offre de protection des plantes combinée. D’autres partenariats pour la distribution de nos produits sont à venir. Les autorités réglementaires ont par ailleurs pris conscience de l’urgence du besoin d’alternatives et commencent à faciliter la mise sur le marché de ce type de solutions.
La France, dotée d’un territoire riche, avec des savoir-faire dans le monde de la recherche académique et appliquée, de l’industrie, et avec de nombreuses startups, se doit d’être leader mondial dans le domaine des phéromones. Le marché, de trois milliards de dollars, croît de 20 % par an environ. Ces filières d’activité sont créatrices d’emploi, ce serait dommage de passer à côté.
R.A : L’utilisation de phéromones va-t-elle bientôt se développer en grandes cultures ?
P.G. : Nous arrivons sur le marché des grandes cultures en Amérique et travaillons sur le riz en Asie et le maïs en Afrique. En France et en Europe, des pistes se révèlent prometteuses. M2i développe par exemple, dans le cadre du Plan national de recherche et d’innovation « vers des solutions opérationnelles contre la jaunisse de la betterave sucrière », une solution alternative contre les pucerons. Des essais sont menés sur betteraves mais également sur d’autres cultures. De multiples travaux sont par ailleurs menés avec les instituts techniques référents pour, entre autres exemples, venir à bout des taupins ou encore pour remplacer le phosmet en colza.
La mise au point de nouveaux modes d’application, comme le spray foliaire qui permet à l’agriculteur d’utiliser son matériel ou encore la formulation micro-encapsulée dans des cires naturelles pour concevoir des modes de diffusion biosourcées qui ne nécessitent pas de dépose, va également faciliter le déploiement de ces solutions et leur adoption par les agriculteurs.
R.A : M2i est également un organisme de formation. Pourquoi ce choix ?
P.G. : La formation est un point essentiel au déploiement des phéromones. Mes collaborateurs y passent beaucoup de temps. Nous formons les équipes des sociétés sur lesquelles nous nous appuyons pour distribuer nos produits, ainsi que celles de leurs clients. Le cap du « ça ne marchera jamais » est dépassé, maintenant la demande est forte mais nécessite un accompagnement. Le changement d’approche demande du temps ; dans « transition agroécologique », il y a « transition ».