Produits phytosanitaires, gérer le poids de la réglementation
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Au-delà des interdictions européennes croissantes de substances actives qui réduisent le nombre de produits phytosanitaires disponibles pour les agriculteurs, les restrictions d’usages imposées par les autorisations de mise sur le marché ont des conséquences sur le choix des spécialités. ZNT, DVP, interdictions sur sols artificiellement drainés… la réglementation complexifie d’année en année les conditions d’utilisation.
“Le nombre de produits phytosanitaires interdits augmente plus rapidement que celui de spécialités autorisées”, souligne David Frison. Pour le premier vice-président de la chambre d’agriculture des Alpes-de-Haute-Provence, nul doute : les agriculteurs doivent faire face à une palette de solutions de moins en moins riche. “Les restrictions d’usages amoindrissent encore davantage cette palette, complète-t-il. Si la parcelle se situe près d’un cours d’eau ou d’habitations, les traitements se complexifient”. Le ras-le-bol réglementaire se fait sentir chez les agriculteurs, qui l’expriment de plus en plus, notamment lors de manifestations. L’instauration, depuis 2020, de distances de sécurité vis-à-vis des habitations, s’ajoutant aux zones non traitées (ZNT) aquatiques, plantes et arthropodes non cibles, aux interdictions sur sols artificiellement drainés ayant une forte teneur en argile… s’est révélée être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Certains producteurs qui ont des terres à cultiver en zone périurbaine, lassés, en viennent même à réfléchir à un éventuel passage au bio.
Trouver le compromis efficacité/risques
Du côté des sociétés phytosanitaires, la problématique réglementaire prend également de plus de plus de place dans le développement des produits. “Si une ZNT aquatique de 5 m est devenue assez classique et ne représente plus une réelle contrainte, un dispositif végétalisé permanent (DVP) de 20 m visant à réduire les ruissellements vers les milieux aquatiques, en revanche, s’avère très impactant. Un produit ayant cette restriction aura du mal à trouver sa place, surtout dans les régions où le réseau hydrographique est important, comme en Bretagne par exemple”, relève Guillaume Chancrin, responsable engagement filières et consommateurs chez Bayer division Crop Science.
Les sociétés n’hésitent pas à déposer un dossier complémentaire auprès de l’Anses, avec une mesure permettant de supprimer un risque conduisant à une restriction, pour demander l’ajustement de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un produit. Des distances de non traitement imposées peuvent ainsi se voir abaissées. “Quitte à réduire un peu la dose si le produit montre encore une efficacité acceptable”, souligne Isabelle De Paepe, responsable stewardship et expertise agroécologie chez BASF division Agro. L’objectif est de trouver le compromis efficacité/risques, de mettre sur le marché des spécialités ayant le moins de restrictions possibles. Et ce, pour qu’elles puissent être utilisées sur l’ensemble de l’exploitation agricole et ne se voient pas interdites sur le court terme.
Prôner les bonnes pratiques pour éviter de nouvelles restrictions
La prise en compte de l’environnement, et celle désormais des distances de sécurité vis-à-vis des riverains, est un passage obligé. “Nous recommandons même parfois des exigences qui vont au-delà des restrictions demandées par la réglementation”, reprend Isabelle De Paepe.
Pour anticiper de nouvelles contraintes réglementaires, les sociétés travaillent et prônent les bonnes pratiques permettant de réduire les transferts de produits dans l’environnement. Car l’enjeu est de maintenir un portefeuille de solutions suffisamment large sur le marché, avec des produits simples d’utilisation. En réduisant le nombre de spécialités disponibles, on fragilise celles qui restent car leur utilisation augmente par substitution. Leur détection dans l’environnement s’accroît proportionnellement, les résistances aussi.
“D’où l’importance de n’utiliser des produits phytosanitaires qu’après avoir mis en place toutes les mesures agronomiques disponibles”, note Guillaume Chancrin.
Gestion du ruissellement à l’échelle des bassins versants, utilisation de buses anti-dérives, prise en compte de la biodiversité, des pollinisateurs… autant de bonnes pratiques mises en avant par les sociétés phytosanitaires. Les sites internet de Bayer, BASF et Syngenta, pour ne citer que les trois premiers fournisseurs de produits phytosanitaires en France, sont loin de promouvoir uniquement leurs produits.