Rencontre avec Denis Tardit, président de Syngenta France
Le | Agrofournisseurs
Denis Tardit, patron de Syngenta France, ne cache pas sa satisfaction à l'annonce de l'accord avec ChemChina. Il livre aux lecteurs de référence-appro.com ses réactions et la stratégie que vont pouvoir déployer sereinement ses équipes sur le marché français, en semences et protection des plantes.
Quel intérêt majeur voyez-vous à l'annonce du rachat de Syngenta par ChemChina ?
Denis Tardit : ChemChina croit dans les technologies au service de l'agriculture. Il nous rachète car nous en sommes le fleuron. Cette reconnaissance fait du bien au moral ! Il y a dix ans un rapport commun Inra/Cemagref soulignait les risques pour la France d'adopter une approche environnementaliste plus marquée que celle de l'Union européenne. Parmi ces risques, celui de voir des importations massives de produits alimentaires de base, notamment d'Allemagne. Nous y sommes.
Ces technologies sont indispensables pour la compétitivité de l'agriculture et sortir de la crise actuelle.
Risque-t-on de voir cet accord ne pas arriver à terme ?
Je ne le pense pas. Le deal sera complet dès lors que 67 % des actionnaires auront cédé leurs actions. Or l'offre de reprise par action est attractive. Les contraintes au niveau réglementaire devraient être peu importantes. En fait, nous allons passer d'actionnaires multiples à un actionnaire unique.
Quelle traduction concrète sur la stratégie du groupe au niveau monde ?
Je sais à quel point les fusions sont difficiles. Les entreprises se recentrent sur elles-mêmes et cela se traduit par ailleurs par une réduction des offres. Avec ChemChina, Syngenta restera indépendant. Cet accord nous permet de nous focaliser sur notre stratégie, d'accorder toute notre attention à nos clients et de développer notre pipe-line de nouveautés, qui est de loin le plus important de la profession.
Lorsque vous dites « nos clients », vous pensez aux agriculteurs ou aux distributeurs ?
Notre client est le distributeur, celui qui achète et paie le produit. Il n'y a aucun doute sur cette option. L'agriculteur doit bien sûr être satisfait de nos produits.
Les résultats de l'agrochimie sont loin d'être florissants…
Ils s'expliquent par les difficultés du monde agricole, qui cumule des prix bas, la dévaluation des monnaies dans les pays émergents. Syngenta a anticipé ces difficultés avec un programme de transformation engagé il y a deux ans. En France, il se terminera mi 2017. Il se traduit notamment par des investissements dans un nouvel outil de communication, de gestion de communautés. Aujourd'hui utilisé en interne, il permettra demain un travail innovant en direction des clients. Nous allons réorganiser notre recherche et développement en France sur la campagne 2016-2017 en fermant trois stations, dont celles d'Orgerus et de Ressons, pour investir dans un site très important à Chartres, centré sur les céréales à paille et le colza. Une action à plusieurs millions d'euros qui accompagne notre volonté d'être le premier semencier en France.
Qu'en est-il de la cession envisagée au niveau mondial de votre département légumes et fleurs ?
La décision a été prise, avant l'accord avec ChemChina, de ne pas nous en séparer. Nous sommes présents sur ces gammes, en tournesol, betteraves, maïs, colza, orges hybrides et nous visons le lancement de blés hybrides en 2020.
A quand la mise en marché des produits à base de solaténol ?
Cela fait 30 ans que j'attends un fongicide comme celui-là ! La France sera le premier pays à le lancer. Je fais confiance à l'Anses, qui tient désormais ses délais d'instruction des dossiers. La mise en marché du soletanol permettra de différencier l'offre auprès de nos clients. Notre rôle de leader passe par l'ouverture de nouveaux marchés. Avec les céréales hybrides, les nouveaux fongicides céréales et, en 2017, avec les produits de biocontrôle, des fongicides vigne et/ou légumes, en association avec du soufre ou du cuivre.