Renouer avec la coopérative
Le | Agrofournisseurs
Le constat n’est pas nouveau, une désaffection pour la coopérative intervient lorsqu’elle ne remplit plus son rôle social. Ce lien de proximité est resserré en innovant autour du service, en communiquant mieux avec les jeunes sur les avantages d’une gestion collective. Le technicien tenant un rôle fondamental. Echanges lors du colloque de Coop France organisé le 1er octobre à Paris.
« Les adhérents quittent leur coopérative lorsque le lien de proximité est rompu ou pour des raisons économiques. Ce lien est perçu comme lourd, complexe et tendant à se limiter de plus en plus comme un échange commercial entre un client et son fournisseur… » Ces reproches, récemment remontés lors d’une enquête réalisée par l’école de Purpan auprès de 30 coopératives de Midi-Pyrénées et pour le compte de Coop de France, posent clairement un enjeu majeur pour ses structures, même si Céline Peltier l’enseignante qui a piloté l’étude, prend des précautions : « l’échantillon n’est pas statistiquement représentatif ».
Anne Delettre
Mais cet enjeu est d’autant plus vrai que les coopératives n’ont pas d’autre choix que de grossir pour faire face à la pression économique des filières aval et la concentration des fournisseurs d’appro. En atteignant une masse critique pour négocier, le risque est de s’éloigner du terrain.
Philippe Mangin, président de Coop de France, l’a rappelé dans son allocution lors du colloque organisé à Paris sur ce thème le 1er octobre : « Tout repose sur notre capacité à attirer les jeunes, à rénover les relations adhérents et coopératives ainsi que la gouvernance. »
Communiquer sur la force collective
Pour ces jeunes, la problématique est bien existentielle : se reconnaissent-ils dans les valeurs de la coopérative ? Carole Doré, vice-présidente des Jeunes agriculteurs, ne cache pas le caractère plus individualiste et distancié des nouveaux installés : « d’abord parce que bien souvent ce sont nos grands-parents qui ont créé la coopérative et si nos parents ont été acteurs, les jeunes se sentent plus libres. » Moins liés à cette partie de l’histoire de leur territoire agricole, ils gagnent aussi en autonomie en raison d’un niveau de formation plus élevé, d’un accès aux nouvelles technologies. « Et cherchent le coup par coup, ne prenant pas la bonne mesure de l’intérêt collectif ».
La communication est alors le nerf de la guerre car bien souvent il y a un déficit de compréhension entre ce que peut apporter un outil collectif et ce qu’attendent les jeunes. Rencontres, débats, voyages sont autant d’initiatives que de nombreuses coopératives leurs proposent déjà. Si la rénovation du lien passe avant tout par le technicien et le paquet de services qu’il apporte, se pose aussi la question de la place de la coopérative dans un tissu rural. A la coopérative Sicaseli (Lot), le constat est sans appel, relayé par son directeur, Dominique Olivier : « Demain nous serons 300 agriculteurs ! Quelle légitimité aurons-nous à nous placer en gestionnaire du territoire ? La coopérative n’a-telle pas d’autres services à proposer aux adhérents, aux jeunes, pour renforcer leur place dans un environnement rural, leur image. Compostage des déchets verts, vente des produits agricoles en direct dans les Gamm Verts, certification Iso 1400 des magasins, animations, sont autant d’exemples qui ressèrent ce lien social.
Et repenser les services
Une coopérative qui doit aussi être en mesure de répondre aux enjeux sociétaux en innovant sur les systèmes de production, en actionnant les leviers économiques et environnementaux, en se plaçant comme courroie de transmission. « Qui est mieux placé que la coopérative pour expliquer, vulgariser et mobiliser ? interroge Christian Rousseau, président de Nouricia.
Au-delà de la fidélisation des adhérents, c’est bien le renouvellement des générations d’élus qui est l’enjeu fondamental : « Etre président de coopérative ou membre d’un conseil d’administration demande un investissement temps à part entière, de prendre des décisions stratégiques, de gérer des dossiers difficiles, explique-t-il. Si des jeunes ont les diplômes qui leur permettent de piloter de telles structures, bien souvent ils n’ont pas l’envie de s’investir. Et c’est capital que ces grands groupes, qui aujourd’hui investissent dans des outils industriels, soient toujours dirigés par des agriculteurs. »