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Retrait du glyphosate : et après ?

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C'est programmé. Le glyphosate est voué à disparaitre du local phyto. Quand ? Pour l'Europe, pas avant cinq ans. La France aimerait réduire ce délai à trois ans. Finalement, peu importe… ou presque ! Dans les deux cas, le temps presse pour trouver des alternatives. Existent-elles aujourd'hui ? Les firmes en ont-elles dans les tuyaux ? Et au quotidien, quels impacts pour les agriculteurs ?


Le 27 novembre, les 28 pays de l'Union européenne se sont prononcés pour un renouvellement de cinq ans du glyphosate, dont l'autorisation s'arrêtait le 15 décembre. Le soir même, Emmanuel Macron affichait sur Twitter sa volonté d'interdire la molécule d'ici trois ans. « J'ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans ». Et c'est bien là que le bât blesse. Car aujourd'hui, peu de solutions de remplacement existent dans un périmètre techno-économique équivalent. Il reste bien quelques herbicides de contact mais aucun ne migre vers les racines comme le glyphosate. Osmobio, fabricant de produits naturels en Bretagne, se vante d'avoir trouvé une alternative au glyphosate, mais l'Anses précise que cette société n'a pas encore obtenu d'AMM.


Sans glyphosate, +70 € de coût par hectare cultivé

Autres solutions : le labour, le travail du sol à l'interculture, l'allongement des rotations… Oui bien sûr. Mais ces options ne sont pas toujours aussi efficaces et surtout, remettent en cause des modes de production, notamment pour ceux qui ont, précisément, fait le choix du non labour. « Utilisé en intercultures, le glyphosate est devenu un allié de l’agriculture de conservation, compte tenu de la suppression du labour, explique Pierre Goulard, responsable de l'équipe agronomie-environnement de la chambre d'agriculture d'Occitanie. L’annonce de sa suppression pose de vraies interrogations techniques car nous n’avons pas les clefs pour y répondre ».

Arvalis estime à 70 € le coût supplémentaire par hectare en grandes cultures cultivées sans cette molécule. Soit une enveloppe de un milliard d'euros par an pour l'agriculture française. Un chiffre qui englobe le besoin supplémentaire en matériel, en main d'œuvre, en fioul, en désherbage sélectif, voire une perte de rendement pour certaines cultures.

Les deux ministres de l'Agriculture et de l'Environnement, ont sollicité les instituts techniques pour trouver de nouvelles solutions. Mais comme l'explique Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, « le P.d.-g. de l'Inra m'a assuré qu'il était impossible de commercialiser une alternative efficace dans les cinq ans. » Même son de cloche du côté de la chambre d'agriculture d'Occitanie. « Il faudrait environ sept ans pour assurer une bonne transition des systèmes de production », explique Pierre Goulard, responsable de l'équipe agronomie-environnement . Utilisé en intercultures, le glyphosate est devenu un allié de l'agriculture de conservation.


Et du côté des firmes ?

Mais alors, que font les firmes ? « Ce n'est pas faute d'avoir cherché, et dépensé des centaines de millions d'euros, mais les solutions que l'on a pu trouver sont nettement moins efficaces », confiait Franck Garnier, président de Bayer France, lors de l'inauguration de l'Innovation center Bayer à Lyon, le 17 novembre. Pour lui, plutôt que d'interdire, il prône « la montée en puissance des micro-applications, sur des bouts de parcelles, chirurgicales… » Il pense ainsi possible de réduire les doses actuelles d'un facteur 10 ou 20 ! En attendant, l'ensemble de la filière s'inquiète de la possible distorsion de concurrence qui pourrait se jouer à l'échelle européenne, si nos voisins avaient le droit d'utiliser cet herbicide plus longtemps que les agriculteurs français. Autre challenge pour les mois à venir, expliquer au grand public - logiquement inquiet pour sa santé - qu'il n'est pas si facile de se passer de cette molécule emblématique.