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Stéphane Wilhelm, Area, « En phytos, pour certains fournisseurs, la France n’est malheureusement plus le pays prioritaire » »

Le | Agrofournisseurs

Incertitudes sur le marché des engrais, pénurie et difficultés d’appro sur celui des phytos, hausse des prix parfois difficile à justifier… le secteur des intrants est mouvementé depuis quelques mois et la stratégie de certains fournisseurs, montrée du doigt. Pour les unions d’appro, difficile de se projeter pour les mois à venir. En témoigne Stéphane Wilhelm, le directeur général d’Aréa.

Stéphane Wilhelm, Area, « En phytos, pour certains fournisseurs, la France n’est malheureusement plus le pays prioritaire » »
Stéphane Wilhelm, Area, « En phytos, pour certains fournisseurs, la France n’est malheureusement plus le pays prioritaire » »

« Le contexte actuel est soutenu, tendu sur tous les marchés de l’appro, constate Stéphane Wilhelm, directeur général de l’union d’appro Area. Sur celui des engrais, le conflit russo-ukrainien a engendré une envolée brutale des cours en février. Nous avons constaté une amorce de détente ces dernières semaines, mais les prix sont repartis à la hausse sur fond d’incertitudes liées au prix du gaz. En parallèle les cours des céréales sont orientés pour l’instant à la baisse. Cet effet ciseau complique inévitablement à date les prises de décisions de la part des coopératives et des agriculteurs. »

Sur le marché du colza, nous n’avons aucune souplesse sur les volumes

En phytos, les distributeurs payent seulement maintenant l’impact de la crise de la Covid, estime-t-il : « Les fournisseurs minimisent les stocks pour augmenter encore leur rentabilité. Dans ce contexte, la moindre rupture d’approvisionnement en matière technique, souvent d’origine chinoise, engendre une rupture qui se répercute parfois en cascade sur les produits concurrents. C’est en particulier le cas cette année avec les herbicides colza et moutarde. Sur ces cultures, la situation en insecticides est également très compliquée : entre impasses techniques et dérogations qui tardent à arriver, difficile de se projeter à l’heure où les surfaces sont attendues en hausse. Nous sommes tout juste capables de couvrir les estimations de besoin de nos adhérents, sans aucune souplesse sur les volumes. À l’heure où l’on reparle de souveraineté alimentaire, le sort de certaines filières paraît déjà mal engagé pour la campagne à venir. »

Évoquer d’abord disponibilité et délai de livraison avant d’aborder le prix

Et ce, dans un contexte d’inflation de prix parfois à deux chiffres que les unions d’appro ne réussissent pas toujours à justifier auprès de leurs clients. « Oui, il y a le prix du transport, des emballages, des palettes, de l’énergie… mais cela n’explique pas tout, poursuit Stéphane Wilhelm. La hausse reste difficile à décortiquer. Aujourd’hui, avant d’aborder la question du prix avec les fournisseurs, nous subissons d’abord le poids de la disponibilité et du délai de livraison. Mais nous aurons de la mémoire quand la situation se retournera ! Nous ne voyons pas d’éclaircie pour la campagne à venir, d’autant que pour certains fournisseurs, la France n’est plus, depuis plusieurs campagnes déjà, un pays prioritaire. Avant, nous étions clairement le laboratoire du monde pour lancer l’innovation. Ce n’est plus systématiquement le cas. Mais ils doivent se rappeler que notre pays possède un modèle agricole porté sur la création de valeur au travers des filières et il reste solvable, contrairement à certaines régions du monde en forte croissance. »