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Suspension de trois néonicotinoïdes : un vote peut en cacher un autre

Le | Agrofournisseurs

Le sort de la clothianidine, de l'imidaclopride et du thiaméthoxam n'est pas encore joué. Le vote des Etats membres relatif à la proposition de la Commission européenne de suspendre, à compter du 1er juillet 2013, l'utilisation de ces trois insecticides de la famille des néonicotinoïdes pour certains usages (TS, granulés, traitements foliaires avant et pendant la floraison) sur cultures attractives pour les abeilles (dont le maïs, colza, tournesol, pois, soja, céréales de printemps) n'a pas permis, le 15 mars, de dégager de majorité qualifiée ni en faveur du pour, ni en faveur du contre.

Treize États membres ont voté en faveur de la proposition (dont la France, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, la Pologne et la Suède), neuf s'y sont opposés (dont l'Autriche, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, le Portugal et la Roumanie), et cinq se sont abstenus (dont l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Finlande). La Commission prévoit dès lors de soumettre à nouveau sa proposition, susceptible d'être modifiée, en comité d'appel dans les deux mois au plus tard. Si aucune majorité qualifiée n'est alors obtenue, elle sera en droit d'avoir le dernier mot. Le monde agricole espère, pour des raisons économiques, qu'il permettra de maintenir ces solutions phytopharmaceutiques… les associations environnementalistes et apicoles espèrent quant à elles qu'il penchera en faveur de la protection des abeilles. G.G.

Pour Bayer CropScience, l'impossibilité de parvenir à une décision européenne constitue une véritable reconnaissance de l'absence d'argument convaincant contre l'utilisation des produits à base de néonicotinoïdes. De même, Syngenta se félicite qu'une majorité d'Etats membres aient refusé de soutenir cette proposition, « qui n'aidera pas à améliorer la santé des abeilles ». Pour l'UIPP, cela montre « la nécessité de prendre en compte la totalité des données disponibles pour avancer vers une décision proportionnée ». L'industrie de la protection des plantes propose à la Commission d'orienter les Etats membres « vers des suivis au champ, organisés à grande échelle, afin de confirmer les résultats déjà obtenus » et de généraliser au sein de l'Europe les mesures de gestion des risques déjà prises en compte dans certains Etats membres, comme la qualité des enrobages, ou encore les déflecteurs sur semoirs. Objectif : maintenir l'usage des néonicotinoïdes, « capital pour conserver voire améliorer les capacités de production sur les cultures de maïs, colza et légumes en France », tout en préservant les abeilles. L'Union française des semenciers, pour qui la proposition « est disproportionnée et inadaptée dans ses détails d'application », s'inquiète pour sa part de la compétitivité de son secteur, avec l'éventuelle mise en péril de certaines productions de semences françaises dans les situations où les attaques d'insectes sont problématiques.

La Coordination apicole européenne est en revanche « extrêmement déçue par le résultat du vote » et stipule que « 14 Etats membres s'appuient davantage sur les arguments avancés par l'industrie des pesticides que par ceux avancés par les experts scientifiques de la Commission ». France nature environnement espère que les Etats profiteront du nouveau vote « pour faire preuve de courage politique ». Quant à l'Unaf, l'Union nationale de l'apiculture française, et Greenpeace, ils appellent Stéphane Le Foll à réaffirmer sa position en faveur d'une interdiction et à agir pour convaincre d'autres pays européens.