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Dephy Expé, à l’heure des enseignements pour lancer la phase 2

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« Les résultats sont encourageants, nous avons identifié un gros vivier de leviers et des combinaisons entre eux. Le réseau confirme que nous sommes sur la bonne voie », explique Émeric Emonet, animateur Dephy Expe, le 28 mai, à l’occasion du premier colloque national du programme. Conduit parallèlement au réseau des fermes Dephy, ce volet vise à concevoir, tester et évaluer des systèmes de cultures permettant une réduction significative de l’utilisation des pesticides, et leur transposabilité. Menés entre 2012 et 2018, 41 projets ont ainsi conçu près de 400 systèmes de culture « de rupture » avec l’objectif d’une réduction de l’IFT d’au moins 50 %.

Biocontrôle et génétique

Le biocontrôle et la lutte biologique font partie des nombreux leviers activés. Les associations de cultures, couplées à l’utilisation d’auxiliaires de cultures, sont au cœur de plusieurs projets. C’est le cas de EcoViti Val-de-Loire, qui a intégré des rangées de rosiers dans les vignes, pour lutter contre la cicadelle verte. Les plantes hébergent en effet un prédateur naturel du ravageur, Anagrus atomus. « La seconde phase de Dephy Expe va nous permettre de travailler à l’identification d’autres plantes relais et à la diversification des vignobles », explique David Lafond, porteur du projet.

Autre levier ayant fait l’objet d’une présentation, la génétique et la sélection variétale, pour développer des variétés résistantes aux maladies. « L’enjeu est désormais d’assurer la durabilité de ces variétés. Toutes les cultures n’en sont pas au même niveau. Nous devons rester vigilants sur l’apparition de maladies qu’on considérait secondaires. Il y a un potentiel énorme, mais ce n’est pas une solution miracle », précise Bruno Pottiez, porteur du projet Dephy Expe NPDC.

Des difficultés du côté des herbicides

Si les résultats sont globalement au rendez-vous, le cas particulier des herbicides illustre les marches qu’il reste encore à gravir. Porteuse du projet CanecoH à la Réunion, Alizé Mansuy explique l’absence d’utilisation de désherbage mécanique pour limiter l’érosion du sol. Six autres actions ont été testées, tels que les couverts végétaux entre deux cycles, l’optimisation de l’application des herbicides ou l’utilisation de plantes de services intercalaires. Avec des réductions d’IFT significatives autour des 50 %. « Les objectifs sont atteints, mais il y a un impact sur les rendements et le temps de travail », souligne-t-elle.

En Bretagne, le projet RESCAM active quant à lui le levier de l'allongement des rotations de cultures de blé et de maïs, avec l’intégration de féverole et de colza. Si l’IFT a été baissé de 46 %, le désherbage s’en est retrouvé plus complexe et le salissement a été plus important les premières années. « La réduction de l’IFT est possible, mais l’allongement des rotations engendre des difficultés. Il faut donc avoir une démarche progressive », préconise Patrice Cotinet, partenaire du projet SGC Bretagne, porté par la Chambre régionale d’agriculture de Bretagne.

Une seconde phase pour mobiliser les premiers enseignements

« Oui, la réduction de 50 % de l’IFT est atteinte mais cela se fait au prix d’autres inconvénients, tels que le rendement ou les coûts de production, donc le chemin n’est pas fini », résume Émeric Emonet. Autant de défis que la seconde phase du projet, pour la période 2018-2024 aura à relever. 41 projets ont été sélectionnés, dont 17 issus de la première phase. Leurs objectifs ont été revus à la hausse. L’occasion aussi, pour le cas des cultures pérennes, d’avoir plus de recul sur les tests effectués. Et dépasser les limites rencontrées par certains programmes, comme dans le cas des cultures de pêches ou de fraises. « Quand on expérimente, on joue avec différents leviers. On s’aperçoit que ce n’est pas toujours opportun, nous avons fait des erreurs. Cette deuxième phase est importante pour aller plus loin dans la réussite, suite à cette première étape expérimentale », explique Baptiste Labeyrie, expert filière arboriculture Dephy. Cette nouvelle vague de projets doit en effet capitaliser les résultats acquis pour développer des systèmes « pour un usage des pesticides en ultime recours ».