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Variétés tolérantes aux herbicides (VRTH), l’Anses recommande un dispositif de suivi pour statuer sur les risques

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L’Agence nationale de sécurité sanitaire, Anses, a rendu son avis le 28 novembre sur l’utilisation des variétés tolérantes aux herbicides, ou VRTH. Elle recommande de mettre en place un dispositif de suivi pour surveiller d’éventuels effets indésirables liés à ces variétés. Bien qu’aucune anomalie n’ait été observée à ce jour, l’Anses pointe le risque de développement de résistances des adventices aux herbicides et l’augmentation de l’utilisation d’herbicides. Ces éléments avaient déjà été mis en avant dans le rapport d’expertise collective Inra-CNRS de 2011.

Améliorer la traçabilité

L’Agence estime que les données disponibles ne sont pas suffisantes. Elle cite, en exemple, l’absence de listes provenant des catalogues officiels des variétés permettant d’identifier de manière fiable celles qui sont VRTH et cultivables en France. Pour l’Anses, cette lacune ne permet pas de tracer correctement l’emploi de ces semences et fait obstacle au suivi des pratiques culturales et de leur utilisation. « Nous demandons à ce que ces données soient présentes dans les catalogues d’inscription des variétés », insiste Ohri Yamada, scientifique en charge des VRTH, contacté par Référence environnement.

Autre problème, selon l’Anses : les données relatives à la contamination des milieux par les herbicides utilisés sur les VRTH ne leurs sont pas spécifiques. Ce qui ne permet pas une surveillance appropriée des effets indésirables. « De plus, les résidus d’herbicides associés n’ont jamais été recherchés dans les VRTH récoltés », ajoute l’Agence. Les données collectées ne permettent pas de statuer sur les effets indésirables potentiels, ni de conduire une évaluation des risques.

Sensibiliser les agriculteurs

L’Agence demande donc la mise en place d’un dispositif de suivi des VRTH afin d’instaurer leur traçabilité. « Ce dispositif permettra d’améliorer les connaissances sur les pratiques culturales associées et d’augmenter la surveillance des résidus des herbicides qui leurs sont appliqués », assure l’Anses. L’Agence préconise également la mise en place d’une étude pour vérifier la formation éventuelle de métabolites spécifiques non pris en compte lors de l’évaluation européenne des substances actives phytopharmaceutiques. Enfin, elle recommande de sensibiliser les agriculteurs au risque de développement de résistances des adventices aux herbicides.

Un débat sociétal plus large sur les biotechnologies

Au-delà de la surveillance des VRTH, l’avis de l’Anses s’inscrit dans un contexte plus large de débat sur les biotechnologies en agriculture. Si les VRTH sont des variétés créées par des techniques conventionnelles ou par mutagénèse, elles sont perçues par les associations environnementales comme des OGM cachés. Elles ont alerté le Conseil d’État qui a questionné la Cour de justice de l’Union européenne. Laquelle a tranché le 25 juillet 2018 : les techniques de sélection des plantes fondées sur la mutagenèse, et ayant émergé après 2001, relèvent de la réglementation européenne sur les OGM. « Cette décision est susceptible d’avoir des répercussions sur le cadre réglementaire, indique Ohri Yamada. Toutefois, nous ne connaissons ni les conclusions du Conseil d’État, ni à quelle date elles seront dévoilées. »

Les agriculteurs argumentent sur un désherbage raisonné

De leurs côtés, les agriculteurs expliquent utiliser ces variétés pour résoudre des impasses techniques de désherbage, avec l’avantage de pouvoir traiter de manière ciblée une fois que les mauvaises herbes ont levé. En France, les VRTH concernent principalement le tournesol et le colza. Elles seraient cultivées, en 2017, sur 27 % des surfaces de tournesol, soit environ 160 000 ha, et 2 % des surfaces de colza, soit environ 30 000 ha. Ces surfaces auraient atteint un palier depuis 2017.

Les VRTH marquent donc un clivage fort entre les opposants, qui soulignent le risque d’utilisation accrue d’herbicides et l’absence de traçabilité, et les partisans, qui les considèrent comme une solution agronomique permettant de désherber en fonction des adventices présentes et de pratiquer ainsi un emploi raisonné des herbicides chimiques.

Des points à clarifier, pour BASF Agro

Pour BASF division agro, qui commercialise la technologie Clearfield sur tournesol et colza, cet avis est d’abord plutôt positif. « L’Anses reconnaît l’absence d’effet indésirable à ce jour, ne remet pas en question la technologie et comprend les bénéfices pour les agriculteurs », explique Jean-Marc Petat, directeur, à Référence environnement. Toutefois des points restent à clarifier avec l’Anses : « L’Agence pointe le manque de données, poursuit-il. Or, nous réalisons un monitoring précis sur les deux matières actives, imazamox et métazachlore, et nous n’avons observé aucun résidu. De plus, le problème de la diversification des rotations et de l’alternance des matières actives ne relèvent pas que des VRTH mais des pratiques agricoles dans leur ensemble. » Si Ohri Yamada reconnaît la surveillance de la société agrochimique, il estime qu’il faudrait « un suivi par des organismes indépendants, a minima sur l’établissement des protocoles ».

Pour la Confédération paysanne et les Amis de la Terre, le constat fait par l’agence est accablant en matière de surveillance « qui se révèle défaillante, partielle et produisant des données inutilisables ». Et ajoute : « des mesures agronomiques de précaution seraient indispensables pour éviter la dissémination des gènes de tolérance aux herbicides dans l’environnement et la pollution des milieux naturels par ces mêmes herbicides ».