Vincent Gros, président monde de BASF Agricultural Solutions : « Je refuse de voir l’agriculture française perdre sa compétitivité mondiale »
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Le français Vincent Gros, qui a dirigé BASF France Agro de 2005 à 2010, a pris la présidence mondiale des activités agricoles de BASF au 1er juillet 2019. Selon lui, la France ne conservera sa compétitivité mondiale qu’en adoptant les innovations. Innovations que le 4e groupe agrochimique mondial compte apporter et tout mettre en œuvre pour les faire accepter. Explications.
Référence Appro : Avec la reprise des activités de Bayer, en semences et en outils numériques notamment, BASF fait désormais partie des groupes agrochimiques à même de proposer des solutions combinées. Comment vous différenciez-vous de vos concurrents ?
Vincent Gros : La recherche et développement reste notre raison d’être et nous avons les moyens d’apporter des produits différenciants ; nous avons le pipeline le plus fourni. Ces innovations portent tant sur les produits phytosanitaires, comme notre substance fongicide Revysol et des antigraminées à nouveau mode d’action, que sur les semences, avec entre autres les blés hybrides qui arriveront sur le marché en 2023 ou 2024. Enfin, nous innovons également en matière d’agriculture digitale, avec notre plateforme Xarvio, et nous développons de nombreux partenariats dans de multiples domaines, comme par exemple la pulvérisation intelligente.
Nous estimons que nos innovations apporteront un chiffre d’affaires de 6 milliards d’euros d’ici à 2028. Un chiffre à comparer à notre chiffre d’affaires actuel de 8 milliards d’euros. Être le numéro 4 est une situation intéressante, mais également un challenge. Nous n’avons pas une présence forte sur tous les segments de marché, maïs en tête. Nous allons donc nous concentrer sur ceux qui présentent chez nous une offre gagnante, comme les céréales.
R. A. : L’Europe est particulièrement contraignante en matière de réglementation, notamment sur les produits phytosanitaires, et la France prend souvent les devants. Comment voyez-vous l’avenir de l’agriculture dans cette région du monde ?
V. G. : L’Europe se prive d’outils technologiques et l’écart se creuse, surtout avec le continent américain. Certaines de nos innovations seront lancées ailleurs qu’en Europe. L’agriculture doit faire face à de nombreux défis, notamment celui de nourrir 9 milliards d’individus. Donc il faut produire. Si je veux être cynique, je dirai que si l’on ne produit pas en France, on produira ailleurs. Mais je refuse de voir l’agriculture française perdre sa compétitivité mondiale. Nous sommes engagés pour que la France conserve une agriculture performante.
Pour relever ses défis, l’agriculture a plus que jamais besoin d’innovations. Le virage de l’agroécologie en France est un virage nécessaire. Mais en France, comme en Europe, les dirigeants doivent dégager une vision claire de ce qu’ils souhaitent faire pour leur agriculture. Car nous avons besoin de visibilité pour sécuriser nos investissements. Le développement de molécules prend 10 ans.
R. A. : Le biocontrôle est-il une particularité française ?
V. G. : Les attentes en matière de solutions alternatives sont beaucoup plus fortes en Europe de l’Ouest qu’ailleurs. Dans ce domaine, la France peut jouer un rôle de pilote. Pour BASF, la France n’est pas considérée comme un pays à part mais comme une anticipation de ce qui pourrait se passer dans d’autres régions du monde. Nous devons cependant rester pragmatiques et combiner l’ensemble des solutions dont nous disposons, sans en exclure aucune.
R. A. : Quels moyens mettre en œuvre pour venir à bout de la méfiance grandissante vis-à-vis de la science et faire accepter les innovations ?
V. G. : Cette méfiance est préoccupante. Nous devons recréer les conditions d’un débat constructif et équilibré entre les différentes parties prenantes. L’industrie doit faire preuve d’encore plus de transparence et présenter ses innovations de manière audible, compréhensible par le plus grand nombre. Nous devons également développer des démarches de progrès qui vont au-delà du cadre réglementaire. Les outils numériques vont nous y aider.