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Qui profite, qui pâtit d’un blé à 300 €/t ?

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La barre des 300 € la tonne de blé est sur le point d’être franchie sur le contrat à terme d’Euronext, écrasant ainsi le précédent record du 5 septembre 2007, à 303 €/t. Qui profite réellement de cette embellie ? Qui en pâtit ? La réponse avec Sébastien Poncelet, du cabinet Agritel.

Qui profite, qui pâtit d’un blé à 300 €/t ?
Qui profite, qui pâtit d’un blé à 300 €/t ?

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Qui profite, qui pâtit d’un blé à 300 €/t ? - © D.R.
Qui profite, qui pâtit d’un blé à 300 €/t ? - © D.R.

« Pour que les prix baissent, il faut soit un recul de la consommation mondiale, soit une hausse de la production. Or, aucune de ces deux hypothèses n’est d’actualité », confie Sébastien Poncelet, du cabinet Agritel.[/caption]

Depuis des mois, le prix des céréales ne cesse de grimper. Pourquoi ? « L’offre de blé - en baisse chez les grands pays exportateurs que sont le Canada, les États-Unis, la Russie, et l’Europe - n’est pas suffisante pour répondre à la demande mondiale toujours plus soutenue, explique Sébastien Poncelet, directeur du développement au sein du cabinet Agritel. Les mauvaises récoltes locales poussent les pays du Moyen-Orient tels que l’Iran et la Turquie à importer davantage de grains. Le Pakistan et la Chine continuent de leur côté des programmes d’achats massifs pour reconstituer leurs stocks, tandis que le Bangladesh répond à la hausse effrénée de sa population. » Même si l’arrivée de la nouvelle récolte de maïs, record aux États-Unis et en Ukraine et très bonne en Europe, devrait soulager un peu la demande notamment dans la filière animale, « cela ne sera probablement pas suffisant », prédit-il.

Les céréaliers ne profitent pas pleinement de l’embellie

Qui profite de cette embellie des prix ? « Les céréaliers qui ont vendu leur récolte ces dernières semaines et ceux qui en ont encore en stock bien évidemment. Mais malheureusement, tous ne profitent pas pleinement de cette plus-value tant le prix des intrants et de l’énergie connaît, lui aussi, une hausse rarement égalée. Beaucoup craignent que le prix des céréales baisse bien plus vite que celui des charges. »

Récolte 2022 incertaine

Le prix du blé risque-t-il encore de monter ? « Pour que les prix baissent, il faut soit un recul de la consommation mondiale, soit une hausse de la production. Or, aucune de ces deux hypothèses n’est d’actualité, constate-t-il. Les opérateurs ne sont pas rassurés, les tensions persistent d’autant que le niveau de la récolte 2022 reste incertaine à l’échelle mondiale. Aux États-Unis et en mer Noire, les levées sont perturbées par un manque de précipitations. Sans oublier les difficultés d’approvisionnement en engrais qui risquent, elles aussi, de compromettre le potentiel de rendement chez tous les grands pays producteurs. »

Le métier d’éleveur, remis en cause

Cette hausse des cours mondiaux a de lourdes conséquences. « En France, elle impacte tous les agents économiques qui ne peuvent pas répercuter cette hausse sur le maillon d’après. Pour les éleveurs, c’est l’existence même de leur métier qui peut être remise en cause si le prix des viandes, des produits laitiers ou des œufs n’augmente pas proportionnellement à la hausse du coût des matières premières. Tous les acteurs de l’agro-alimentaire sont également impactés. » Les négociations avec la grande distribution sont de ce fait très tendues car cette dernière freine pour augmenter les prix à la vente. Pourtant, les consommateurs doivent prendre conscience que, dans un tel contexte, le prix de l’alimentation est appelé à augmenter.

Une possible instabilité mondiale

À l’échelle mondiale, c’est la sécurité alimentaire et la stabilité politique des pays les plus dépendants aux importations qui est en jeu. Ne l’oublions pas, se nourrir reste l’obsession principale de près d’un milliard de personnes sur la planète. « L’indice FAO des prix des produits alimentaires est au plus haut depuis juillet 2011 (à 133,2 en octobre 2021), quand les émeutes de la faim et le « printemps arabe » avaient bousculé l’ordre établi, rappelle Sébastien Poncelet. Le marché connaît non seulement une flambée du prix des céréales mais également de celui des huiles végétales. La situation est réellement préoccupante », conclut-il.