Le marché des engrais en plein bouleversement
Le | Agrofournisseurs
Le prix des engrais atteint des records. Alors que plusieurs fabricants européens ont déclaré diminuer la production d’ammoniaque, le risque de pénurie pèse sur la campagne à venir.
Le 24 septembre, l’ammonitrate 33,5 a atteint 475€/ tonne, soit plus du double de son prix d’il y a un an. En cause, le prix du gaz, qui entre dans la composition de l’ammoniac, et qui a triplé depuis le début de l’année. L’augmentation du tarif du gaz s’explique par la reprise économique soutenue et les tensions diplomatiques entre l’UE, les États-Unis et la Russie à propos de North Stream II, un projet de gazoduc géant entre la Russie et l’Europe. En outre, le prix élevé des céréales et la demande alimentaire croissante ont incité les agriculteurs à ne pas réduire les apports d’engrais pour préserver les rendements.
Des outils industriels ralentis
Face à cette demande, l’offre ne suit plus. « Les outils industriels dédiés à la production d’engrais sont complexes et fragiles, et nécessitent une maintenance préventive, confiait Nicolas Broutin, président de Yara France, à Référence agro, en août. En 2020, en raison de la crise sanitaire, beaucoup d’industriels ont annulé, reporté ou partiellement mené leurs programmes de maintenance, ce qui a perturbé la fiabilité industrielle. Aujourd’hui, de nombreuses usines dans le monde montrent des défaillances, doivent faire des arrêts prolongés ou ralentir leur production. »
Politiques protectionnistes… pour pénurie mondiale d’engrais
Autre raison géopolitique qui explique cette inflation : de récentes politiques protectionnistes engendrées par la crise sanitaire. « La Chine, qui est l’un des plus gros exportateurs d’urée, a restreint ses exportations pour protéger son marché, ce qui a fortement réduit les disponibilités d’urée sur le marché mondial », explique Isaure Perrot, analyste et consultante chez Agritel. Le 27 septembre, Pékin a également annoncé stopper ses exportations de phosphate jusqu’en 2022, alors que la Biélorussie, principal fournisseur de potassium en Europe, a adopté une stratégie similaire. Enfin, les États-Unis ont limité les importations de DAP (phosphate diammoniaque) pour protéger leur marché, entraînant une inflation du DAP à l’échelle mondiale. Ainsi, ce n’est pas seulement l’azote qui risque de manquer, mais tous les engrais principaux. Et les disponibilités en engrais risquent de demeurer très faibles, les négociants ne voulant prendre aucun risque financier en cas de repli du marché.
Yara, Borealis et BASF ralentissent leur activité
La parité euro-dollar défavorable aux importations, et l’inflation des postes annexes aux matières premières, tels que le transport et l’emballage, ont eu raison de nombreux fabricants européens, qui ont décidé de stopper ou de limiter fortement leur production d’ammoniaque en attendant que le prix du gaz baisse. Borealis, Yara, CF Industries, BASF ont partiellement interrompu certaines lignes de production, rendant la disponibilité des engrais plus incertaine encore. « Dans les mois à venir, il est difficile d’entrevoir une baisse des coûts des engrais », indique Isaure Perrot. Un point de vue très majoritairement partagé par la profession. La livraison des engrais était déjà en baisse en juillet, par rapport à l’année précédente, selon Agreste. « Le risque, à ne pas être couvert, est de ne plus trouver de disponibilités dans les temps », met en garde l’analyste. La disponibilité des camions de livraison est, elle-aussi, fortement réduite.
Pour en savoir plus, lisez notre dernier mag en ligne dédié aux engrais