Bio, pas d’inquiétude sur les déconversions, mais des besoins pour stimuler la demande
Le | Environnement-agroecologie
Le spectre d’une vague de déconversions, dans la filière bio, bruisse depuis quelques jours dans certains médias. Pour les parties prenantes du secteur, l’inquiétude n’est pas de mise. Les questions portent plutôt sur une demande qui stagne, et les moyens à déployer pour la faire repartir.
La filière bio s’apprête-t-elle à connaître une vague de déconversions ? C’est ce que laissent présager certains titres, dans la presse, depuis fin janvier. Interrogée par Référence agro, la directrice de l’Agence Bio, Laure Verdeau, s’étonne de cette interprétation de chiffres pourtant loin d’être inquiétants selon elle. « Certains médias mettent en avant un chiffre, 2300 agriculteurs arrêtant le bio en 2021, sans le mettre en perspective, regrette-t-elle. En relatif, seuls 4,17 % des producteurs sont sortis du label en 2021, contre 4,02 % en 2020. » Le président de la Fédération nationale d’agriculture biologique, Fnab, Philippe Camburet, confirme : « Ce chiffre est globalement stable et reste, de plus, de l’ordre de l’épaisseur du trait. »
Retraites et cessations d’activité avant tout
Le président de la Fnab pense que les récents pronostics pessimistes, concernant l’atteinte de objectif de 15 % de SAU en bio en 2022, nourrissent peut-être l’inquiétude du moment. « Cette crainte tient davantage au Plan stratégique national, PSN, français, qui ne soutient pas assez le bio dans la future Pac, analyse-t-il. Certainement pas aux déconversions. » De son côté, la directrice de l’Agence Bio s’intéresse aux causes de ces déconversions. Si, dans certains cas, les exploitants renoncent pour des raisons techniques, l’explication majoritaire tient selon elle « à des arguments qui dépassent la logique bio/conventionnel » : la moitié des arrêts comptabilisés correspond en effet à des cessations d’activité et des départs à la retraite.
Déconversions opportunistes, rien de nouveau
« Le plus embêtant, c’est le ralentissement de la demande par les consommateurs, qui peut entraîner de la surproduction », estime Laure Verdeau. Mais n’y a-t-il pas là, justement, un phénomène à même de refroidir les agriculteurs fraîchement convertis, ou hésitant à passer le cap ? Le marché des œufs bio est l’un de ceux qui saturent. « Depuis une dizaine d’années nous observons la conversion massive de producteurs qui se sont lancés pour répondre à une demande du marché, plutôt que par conviction », note David Léger, secrétaire national volailles et œufs à la Fnab. « Ceux-là, en effet, sont plus susceptibles de revenir en arrière si le marché ne se débloque pas, glisse un spécialiste de la filière bio dans les Hauts-de-France. Ces mouvements opportunistes ne sont pas nouveaux, même s’ils sont généralement plus fréquents pour les filières végétales, la conversion d’un élevage étant moins facilement réversible. »
Communiquer pour (re)séduire le consommateur
L’inquiétude de la filière porte donc clairement plus sur la demande que sur les déconversions. Selon Laure Verdeau, les choix des consommateurs se dispersent en raison de la multiplication des labels et cahiers des charges durables. « Aucun n’est aussi global et rigoureux que le bio, affirme-t-elle. Ce qu’il nous faut, aujourd’hui, c’est rappeler la valeur de l’engagement en bio. » La directrice de l’Agence Bio a fait ses calculs, et estime qu’une campagne efficace pour y parvenir demanderait autour de 15 M€. Des moyens que la filière n’a pas. « L’enveloppe actuelle pour communiquer, entre 800 000 et 1 M€ par an, n’est plus suffisante, remarque-t-elle. Nous discutons avec le ministère et les interprofessions pour faire bouger les choses. »