« Le dérèglement climatique avance plus vite que les décisions publiques », M. Gutton, Gouvernement
Le | Politique agroécologique
Le stockage de l’eau, la gestion des sols et l’adaptation des pratiques agricoles sont des réponses indispensables face au changement climatique pour la production du maïs dans les années à venir. Mais pour réussir cette transition, il faudra accélérer les décisions publiques, améliorer la pédagogie et mobiliser tous les acteurs autour d’un objectif commun, a indiqué Martin Gutton, délégué interministériel à la gestion de l’eau lors de la table ronde « Facteurs de production du maïs : risques, solutions et anticipation », lors du congrès du maïs à Pau le 20 novembre 2024.
« En tant qu’ancien responsable à l’Agence de l’Eau, j’ai été frappé par l’accélération des changements climatiques. Des événements extrêmes se produisent dans le monde entier, et ce que nous observons dans le bassin méditerranéen, à Valence, touche désormais nos territoires avec une régularité croissante. L’adaptation au changement climatique passe notamment par une augmentation du stockage de carbone dans les sols. Ce stockage contribue aussi à retenir davantage d’eau, une solution essentielle mais encore méconnue.
Il faut avancer sur plusieurs fronts : les semences, les pratiques agricoles, la technologie et la génétique, mais aussi sur le cycle de l’eau, en lien avec l’agriculture régénérative.
Les retenues collinaires sont souvent mieux acceptées dans le paysage que les bassines, qui souffrent d’une mauvaise intégration, notamment dans des plaines comme le Poitou. Nous devons progresser sur la conception paysagère de ces infrastructures pour qu’elles soient mieux acceptées.
Il est important de mettre tous les acteurs autour de la table : agriculteurs, collectivités locales et citoyens. Les collectivités, qui ont la compétence de l’eau, doivent avoir des équipes techniques solides pour jouer pleinement leur rôle.
Le dérèglement climatique avance plus vite que les décisions publiques, ce qui crée des tensions. Les agriculteurs, confrontés à ces évolutions, veulent aller vite, tandis que d’autres acteurs adoptent des rythmes plus lents.
Pour résoudre cela, il faut :
- accélérer les diagnostics et les décisions publiques ;
- construire des compromis malgré les divergences croissantes ;
- développer un « récit collectif » sur l’eau et l’agriculture pour mobiliser la société autour de ces enjeux. »
« Indispensable de sensibiliser le grand public aux enjeux de stockage de l’eau »
« Un des défis majeurs est la pédagogie. Il est indispensable de sensibiliser le grand public aux enjeux de stockage de l’eau et à l’importance de l’agriculture face au changement climatique. Les citoyens doivent comprendre que le stockage est une réponse indispensable pour garantir la disponibilité de l’eau en période de sécheresse, mais aussi pour préserver les capacités de production alimentaire.
Pour cela, il faut expliquer que :
- les agriculteurs jouent un rôle clé dans la souveraineté alimentaire nationale ;
- les infrastructures de stockage ne sont pas uniquement destinées à l’agriculture, mais bénéficient aussi à l’ensemble de la société.
L’agriculture est souvent mal perçue par des acteurs extérieurs. Pour éviter les incompréhensions, il est essentiel que le débat sur l’eau implique en priorité les acteurs locaux, ceux qui vivent sur les territoires. Les décisions doivent être prises à cette échelle et non imposées par des acteurs éloignés des réalités du terrain.
Une grande partie du public ne comprend pas encore l’importance de stocker l’eau. Il faut réexpliquer que si l’eau coule au robinet l’été, c’est grâce aux barrages et infrastructures qui régulent l’eau tout au long de l’année. Par exemple, sans les barrages de Serre-Ponçon ou de Sainte-Croix, le canal de Provence n’existerait pas, et l’agriculture du Sud-Est serait totalement différente. Cela fait 2000 ans que l’homme aménage l’espace pour gérer l’eau. »
Conférence sur l’eau : « Reconstruire un contrat social »
« Le gouvernement a déjà pris des mesures pour accélérer : un décret de mai 2024 regroupe les contentieux liés au stockage de l’eau au tribunal administratif de Paris, avec une chambre spécialisée. Cela permet de réduire les délais, même si cela ne supprime pas les contentieux.
En parallèle, les exigences environnementales pour les projets sont de plus en plus lourdes, ce qui rend crucial le travail sur la constitution des dossiers pour éviter les recours.
Le Premier ministre a annoncé une grande conférence sur l’eau. Cet événement ne sera pas seulement une discussion technique, mais un véritable débat sociétal pour expliquer les enjeux climatiques et la nécessité de stocker l’eau en période d’abondance. L’objectif est de reconstruire un « contrat social » entre les agriculteurs, leurs voisins et la société pour que le stockage de l’eau soit compris et accepté comme une réponse indispensable au changement climatique.
Les acteurs agricoles devront se mobiliser activement dès le début des débats pour porter leur voix, expliquer leurs contraintes et leurs contributions à la transition écologique. »