Stratégie énergie climat : les points de vue des acteurs des secteurs agricole et agroalimentaire
Le | Politique agroécologique
Lancée le 4 novembre 2024, la concertation publique de six semaines sur les troisièmes éditions de la SNBC et de la PPE, menée sous la supervision de la Commission nationale du débat public, s’est achevée le 16 décembre 2024. S’inscrivant dans le cadre de la stratégie française pour l’énergie et le climat, elle visait à identifier et débattre des solutions pour relever les défis énergétiques et climatiques.
Lancée le 4 novembre 2024, la concertation publique de six semaines sur les troisièmes éditions de la SNBC et de la PPE, menée sous la supervision de la Commission nationale du débat public, s’est achevée le 16 décembre 2024. S’inscrivant dans le cadre de la stratégie française pour l’énergie et le climat, elle visait à identifier et débattre des solutions pour relever les défis énergétiques et climatiques.
Une plateforme de concertation héberge les documents supports de la concertation et recueille les cahiers d’acteurs. Au 20 décembre 2024, elle en comptait 182.
FNE (cahier d’acteur n° 22)
- « Nous regrettons que cette stratégie énergie climat reflète davantage un choix politique qui n’a pas été débattu par le Parlement et qui passera uniquement par décret, qu’un consensus appuyé par l’examen attentif des impacts socio-économiques et environnementaux de l’ensemble des alternatives. Ces données manquantes n’ont pas permis une concertation sincère et objective. Par ailleurs, bien que la plupart des objectifs soient renforcés par rapport aux précédents exercices, ils sont encore insuffisants et, surtout, les moyens détaillés ne sont pas cohérents avec l’atteinte de ces objectifs. Au regard des coupes budgétaires récentes dans tous les secteurs, nous sommes très inquiets quant à la possibilité de mettre en œuvre les mesures proposées par cette stratégie et les mesures supplémentaires qui seront nécessaires. »
B4C (n° 91)
- « Dans le cadre de cette consultation, nous tenons à souligner l'importance stratégique du biogaz et du biométhane dans la transition énergétique française. Ces énergies renouvelables, issues de la biomasse, apportent des solutions concrètes, durables et pilotables pour atteindre les objectifs de décarbonation tout en contribuant à l’autonomie énergétique des territoires. En effet, les quantités de biométhane produites et injectées dans les réseaux de gaz passe de 4 TWh en 2021 à 9TWh en 2023, soit une augmentation de plus de 125 %. Le développement du biogaz, du biométhane et la valorisation du CO2 s’inscrivent dans une démarche plus large d’économie circulaire, visant à promouvoir une utilisation raisonnée et durable des ressources locales. Avec le développement de ces énergies, de nouvelles opportunités de valorisation de leurs résidus se créent pour les secteurs agricoles et forestiers, ce qui génère des revenus supplémentaires pour les exploitants.
- La biomasse est essentielle pour garantir une transition énergétique durable et autonome. Néanmoins, des incertitudes subsistent quant à sa disponibilité après 2040. Une meilleure quantification et localisation des ressources de biomasse sur le territoire français dans un contexte d’évolution des cultures, des filières et des rendements, ainsi que des stratégies de mobilisation impliquant les acteurs agricoles et sylvicoles, seront nécessaires pour sécuriser les approvisionnements et maximiser la valorisation énergétique et industrielle de la biomasse locale.
- Pour atteindre les objectifs de décarbonation proposés dans les projets PPE 3 et SNBC 3 afin de maintenir la trajectoire Net zéro carbone en 2050, il est indispensable que la France s’appuie sur un mix énergétique équilibré dans lequel les bioénergies ont toute leur place. »
Avril (n° 98)
- « Propositions pour l’agriculture :
- encourager les alternatives aux engrais chimiques - notamment par l’adoption de fertilisants durables issus de la valorisation des coproduits organiques, industriels et urbains. Ces fertilisants permettent d’augmenter les apports en minéraux des plantes tout en participant à la restitution de la matière organique dans le sol ;
- promouvoir une écologique positive basée sur l’incitation - l’évolution des pratiques, pour être pérenne, doit impérativement s’inscrire dans un modèle économique rentable et rémunérateur pour les agriculteurs
- Propositions pour l’élevage :
- renforcer et sécuriser l’approvisionnement local de nos besoins en protéines végétales - la production de protéines végétales françaises est un axe majeur de décarbonation de l’élevage. Plus de 60 % de l’élevage des émissions de GES des filières animales sont liés à la nutrition et 80 % de l’impact carbone de la nutrition animale dépend des filières d’approvisionnement ;
- améliorer l’efficacité protéique des aliments pour animaux - certains compléments, ajoutés à l’aliment, peuvent réduire les émissions de méthane entérique. Ils représentent cependant un coût et leur adoption doit s’inscrire dans le cadre d’un accompagnement adapté.
- Propositions pour l’alimentation :
- développer les surfaces de légumineuses - commercialisés sous forme d’ingrédients pour les industriels ou en grande consommation, les produits riches en légumineuses présentent un bilan carbone particulièrement favorable. Leur culture permet le stockage de carbone et la fixation de l’azote atmosphérique ;
- élargir l’offre de protéines végétales pour l’alimentation humaine - la protéine issue des plantes oléagineuses, comme le colza ou le tournesol, dont l’intérêt en nutrition animale est reconnu, offre un potentiel important en matière d’offres et d’usages répondant à l’évolution des habitudes de consommation.
- Propositions pour les transports et mobilités :
- pérenniser la place des biocarburants durables issus de l’agriculture dans la décarbonation des transports routiers ;
- créer les conditions d’une production française de biomasse durable, suffisamment abondante et compétitive ;
- créer les conditions d’émergence rapide d’une filière française de carburants aériens durables (CAD/SAF) ;
- soutenir le développement d’une nouvelle génération de biocarburants pour l’aviation. »
The Shift Project (n° 136)
- « Pour assurer la décarbonation du secteur agricole, il est nécessaire d'appréhender la transition de façon systémique. Pour permettre une poursuite des tendances initiées avant 2030, il faut veiller à ce que les leviers portant sur l’efficacité ne créent pas de verrous sociotechniques empêchant ou ralentissant la mise en œuvre de mesures de sobriété et de reconception des systèmes. Les changements les plus structurels doivent être initiés dès maintenant pour permettre de tenir le rythme de la décarbonation : ainsi, la déspécialisation des régions, le renouvellement du parc de matériel, l'amélioration de la génétique et plus largement la transition agroécologique sur les exploitations sont des évolutions sur le temps long qui doivent être planifiées, organisées et sécurisées. »
Greenpeace (n° 147)
- « Greenpeace France s’étonne de la très forte disparité d’ambition des objectifs de réductions d’émissions de GES pour 2030 des différents secteurs. En faisant reposer une grande partie de la baisse d’émissions pour 2030, principalement sur deux secteurs, le bâtiment et l’industrie, tout en ayant un niveau d’ambition peu élevé sur d’autres, comme l’agriculture et surtout le transport, la France prend le risque d’échouer à l’atteinte de ces objectifs globaux. »
AAMF (n° 149)
- « L’AAMF accueille favorablement les ambitions de la SNBC et de la PPE 3. Ces plans confirment que l’agriculture a un rôle central à jouer dans la transition énergétique et climatique. La méthanisation agricole, en captant et valorisant les ressources présentes sur les exploitations (effluents d’élevage, résidus agricoles, cultures intermédiaires), a démontré son utilité non seulement pour réduire les émissions de GES, mais aussi pour renforcer l’autonomie énergétique et la résilience des territoires ruraux.
- Les objectifs de production de gaz renouvelables - 50TWh d’ici à 2030 et entre 50 et 85 TWh d’ici à 2035 -supposent une forte accélération du rythme de mise en service des unités sur le territoire. Cela appelle des dispositifs de soutien cohérents et renforcés :
- un financement adapté pour pérenniser la filière,
- une visibilité à long terme pour sécuriser les investissements,
- une simplification des démarches administratives.
- Les gisements agricoles, comme les CIVE, les effluents d’élevage ou les résidus de culture, constitueront près de 90 % du potentiel de biogaz à horizon 2050. Mobiliser efficacement cette ressource requiert des actions ciblées :
- développer la production durable des CIVE dans une approche de développement agricole,
- améliorer la gestion et la collecte des effluents d’élevage,
- promouvoir le digestat comme substitut aux engrais chimiques,
- renforcer l’implication des agriculteurs dans tous les projets.
- L’AAMF salue que la PPE3 valorise les projets adaptés à des contextes variés, y compris ceux éloignés des réseaux gaziers. La cogénération et la production de BioGNV à la ferme y sont considérées comme des solutions complémentaires, adaptées aux spécificités des territoires. Pour répondre à ces besoins diversifiés, il est essentiel de pouvoir :
- faciliter la transition de la cogénération vers l’injection,
- faciliter le maintien des sites en cogénération,
- accompagner de nouveaux projets de petite taille. »
FNSEA (n° 165)
- « Le projet de SNBC 3 fixe une trajectoire ambitieuse mais atteignable pour l’agriculture, à condition que la transition ne soit pas subie mais choisie. Cela suppose impérativement de préserver notre capacité à produire de la biomasse, à nourrir les populations, à assurer un juste revenu aux agriculteurs et à promouvoir la compétitivité du secteur.
- La SNBC et la PPE fixent des trajectoires physiques et identifient certains grands leviers techniques, mais l’orientation des politiques publiques manque d’une vision globale sur la question fondamentale du modèle économique et des financements nécessaires. En particulier, la place du consommateur, la répartition de l’effort sur l’ensemble de la chaîne agroalimentaire et l’identification des obstacles à franchir, notamment sur le chiffrage des surcoûts, sont à ce jour absents des travaux de planification, qui s’arrêtent à la création de guichets d’aide dont l’efficacité est difficile à objectiver.
- Il est impératif de raisonner sur l’empreinte carbone, en tenant compte des émissions importées, car il est inacceptable de laisser faire la baisse de la production au profit d’une hausse opportuniste des importations. La définition de budgets carbone sur ce point prévue par le projet de SNBC 3 va dans le bon sens, mais il faut prévoir une trajectoire fine par filière.
- Nous recommandons à l’État d’adopter les orientations suivantes :
- réaliser une étude d’impact économique et une quantification des besoins induits par les trajectoires afin de pérenniser et harmoniser les financements publics ; accompagner la définition et la mise en œuvre de nouveaux modèles économiques permettant de financer les transitions, y compris dans la chaîne de valeur (certification carbone, prix du carbone, prix de l’alimentation, primes filière…) ;
- indiquer, filière par filière, l’impact d’une potentielle hausse des importations sur l’empreinte carbone du consommateur ; indiquer les émissions évitées grâce à la production de biomasse pour les autres secteurs (énergie, industrie, chimie…) ;
- définir des trajectoires en phase avec la réalité économique, notamment sur l’AB, le stockage dans les prairies, la consommation alimentaire et énergétique ; intégrer les hypothèses et les trajectoires des feuilles de route de décarbonation des interprofessions grandes cultures, lait et viande ;
- rehausser l’ambition sur la production d’énergie renouvelable : 25 GW d’agrivoltaïsme (50 000 ha) ; 120 TWh de biogaz en 2035 et 100 % de gaz renouvelables en 2050 ; prévoir une hausse de la production de biocarburants 1G, en cohérence avec les besoins en biomasse. »
France Agrivoltaïsme (n° 180)
- « L’association salue les objectifs définis pour la filière photovoltaïque dans son ensemble mais appelle à renforcer les ambitions de la 3e PPE concernant le développement de la filière agrivoltaïque, qui doit pouvoir contribuer en transverse aux différents objectifs solaires, et non uniquement aux objectifs des »grandes installations au sol« : au regard de son potentiel, la filière agrivoltaïque française peut dépasser les 20 GW de capacités installées dès 2030 et 45 GW dès 2035. Ceci permettrait à la France de réaliser le haut de la cible de capacités photovoltaïques de 100 GW en 2035, d’accélérer significativement la décarbonation de l’économie tout en renforçant sa compétitivité.
- Pour soutenir une trajectoire de développement ambitieuse et vertueuse pour l’agrivoltaïsme et ainsi contribuer activement aux objectifs de souveraineté énergétique et alimentaire, France Agrivoltaïsme formule quatre recommandations :
- ne pas restreindre la contribution de l’agrivoltaïsme aux objectifs des 'grandes installations au sol' (dont l’objectif proposé est de 25 % de la capacité solaire déployée en 2035) : par son potentiel et sa diversité de projets, la filière a la capacité de contribuer aux objectifs photovoltaïques de façon transverse au sein des segments sol et bâtiments et avec des projets de toutes tailles. Avec cette approche transverse, la filière agrivoltaïque aurait ainsi la capacité de contribuer à hauteur de 45 % des capacités photovoltaïques déployées en France d’ici 2035, en tenant compte du potentiel et de la dynamique actuelle ;
- les appels d’offres de la CRE doivent être organisés de sorte que les volumes appelés annuellement soient cohérents avec les objectifs fixés : 2 GW/an à partir de 2025, puis 3 GW/an sur la période 2026-28, 4 GW/an sur 2029-31 et 5 GW/an sur 2032-35. La réduction des volumes appelés annuellement envisagée dans le projet de décret PPE ne prend pas en compte cette dynamique d’accélération et serait un véritable frein au développement de la filière. En outre, les dispositifs de soutien public doivent :
- inciter à la diversification des cas d’usage ;
- valoriser les services rendus à l’agriculture ;
- maintenir le soutien au développement de technologies de rupture, et ce, afin de
- permettre le développement de projets au service des différentes filières agricoles avec une répartition équilibrée entre élevage et culture.
- le cadre règlementaire et les dispositifs de soutien doivent permettre le développement des projets agrivoltaïques de taille petite et modérée pour assurer une bonne répartition des bénéfices associés à l’agrivoltaïsme entre les exploitations agricoles et les territoires, favorisant les approches d’autoconsommation ;
- la capacité d’accueil du réseau électrique doit être renforcée en cohérence avec les perspectives de développement de l’agrivoltaïsme. Le réseau doit se développer dans l’ensemble des territoires ruraux afin de permettre à toutes les exploitations agricoles de se doter d’équipements de production d’électricité. »