Agroécologie

« Le pari de la bioéconomie facilitera la relocalisation de nos industries », P. Mangin, Grand-Est

Le | Politique agroécologique

En novembre 2024, le cinquième contrat de filière, dédié aux protéines végétales et nouvelles, sera présenté au Conseil régional du Grand-Est dans le cadre de la stratégie sur la bioéconomie lancée en 2019. Labellisation « Vallées régionales de l’Innovation » pour la bioéconomie par la Commission européenne le 19 juin 2024, lancement d’un club de start-ups le 7 septembre 2024… la région Grand-Est poursuit son ambition de devenir la première région européenne dans ce domaine. Explications avec Philippe Mangin, vice-président de la région Grand-Est, en charge de la bioéconomie, des bioénergies et de l’alimentation durable.

Philippe Mangin, président de la région Grand-Est. crédit : Dossmann, région Grand-Est - © D.R.
Philippe Mangin, président de la région Grand-Est. crédit : Dossmann, région Grand-Est - © D.R.

Pourquoi avez-vous lancé une stratégie sur la bioéconomie ?

Philippe Mangin : La région Grand-Est place l’économie du vivant au cœur du développement et de la résilience des territoires. L’objectif est de structurer une politique volontariste inscrite dans les transitions environnementales, sociétales et économiques. Nous travaillons autour du rôle central de l’agriculture et de la forêt dans le dynamisme des territoires, la préservation des ressources dans un objectif de triple performance, et les valorisations d’avenir des produits agricoles.

La stratégie sur la bioéconomie, que nous avons lancée le 17 octobre 2019, s’inscrit dans ce cadre. En tant que première région agricole française en 2022 et 2023, le Grand-Est dispose d’un volume de biomasse considérable. Nous sommes très optimistes quant au développement de la bioéconomie dans notre région. Des perspectives prometteuses sont sur le point de s’ouvrir. Dans de nombreux domaines, il devient évident que les ressources qui remplaceront les ressources fossiles seront souvent d’origine végétale, notamment issues de la biomasse. Notre ambition est de devenir la première région en France et en Europe dans ce domaine.

Notre stratégie comporte cinq priorités :

    • Développer des stratégies énergétiques à l’échelle locale, reposant sur le bois-énergie, le biogaz et les biocarburants,

    • Développer des bioraffineries territoriales,

    • Déployer une agriculture durable, en phase avec les objectifs fixés par le gouvernement,

    • Développer le recours aux biomatériaux dans le secteur du bâtiment,

    • Soutenir une alimentation avec des ingrédients et des emballages durables en valorisant notamment les coproduits, et accroître la traçabilité.

    Les résultats sont encourageants. Nous avons été labellisés « Vallées régionales de l’Innovation » le 19 juin 2024. Cette initiative, lancée en 2023 par la Commission européenne, vise à améliorer la coordination des investissements et politiques en matière de recherche et d’innovation, ainsi qu’à favoriser la coopération sur des projets d’innovation interrégionaux. La Région Grand-Est est engagée sur la thématique de la bioéconomie.

    Ce pari sur la biomasse et la bioéconomie facilitera également une relocalisation de nos industries. En effet, lorsque l’on transforme de la biomasse, les usines doivent être implantées dans la région. Cette stratégie s’inscrit aussi dans notre objectif de neutralité carbone d’ici à 2050.

    Comment la stratégie bioéconomie est-elle définie ?

    Elle a été décidée par le Conseil d’orientation stratégique que nous avons constitué en juin 2018. Ce conseil se réunit deux fois par an et décline sa stratégie au moyen de contrats de filière. Nous présenterons en novembre 2024, en séance plénière du Conseil régional et devant tous les élus, le cinquième contrat de filière, dédié aux protéines végétales et nouvelles protéines. Le premier contrat a été signé en septembre 2021. Depuis, nous en signons au moins un chaque année. Nous allons donc vers cinq contrats de filière : la chimie du végétal et les biotechnologies industrielles, les biointrants, les biocarburants durables, les fibres végétales, et bientôt les protéines destinées à la nutrition animale et humaine.

    Pour chaque contrat, la région alloue un financement sur une période de cinq ans afin de soutenir les développements industriels et la recherche. Il détaille la stratégie en direction des différents acteurs concernés. Nous consacrons un budget annuel de 40 millions d’euros à la bioéconomie.

    Vous avez également signé une charte sur la méthanisation…

    En parallèle, nous avons initié un travail collaboratif sur la méthanisation durable, en partenariat avec l’Ademe et la Dreal. Ce travail s’est concrétisé par l’adoption d’une charte le 26 février 2019. Aujourd’hui, nous sommes devenus la première région de France en nombre d’unités de production. Nous comptons 320 unités de méthanisation sur notre territoire, dont 165 ont été mises en service entre 2019 et 2022. Un ralentissement a été observé, lié à des problèmes de financement, de construction ou d’exploitation. Toutefois, nous sommes en train de relancer cette dynamique. Actuellement, nous sommes également la première région productrice de biogaz, avec une production annuelle de 3,6 GWh. Ce volume correspond à l’objectif fixé dans le cadre du Sraddet pour 2026. Nous avons donc deux ans d’avance sur notre plan de développement.

    Comment travaillez-vous avec les acteurs de la région Grand-Est ?

    Notre particularité réside dans la capacité à mettre en réseau un grand nombre d’acteurs. Nous avons su créer un véritable écosystème. Nous recensons environ 400 acteurs qui participent activement à cette dynamique que nous animons au niveau régional.

    Le club des bioraffineries territoriales, dont la charte d’engagement a été signée lors de la Foire de Châlons en 2023, rassemble huit plateformes de bioraffineries du Grand-Est : celle de Bazancourt Pomacle, Chemesis à Carling St Avold (Moselle), le pôle européen du chanvre (PEC) situé à Troyes (Aube), la bioraffinerie de Tereos et Jungbunzlauer à Marckolsheim (Bas-Rhin), le groupe Roquette à Beinheim (Bas-Rhin), Valtris Champlor à Verdun (Meuse), la Green Valley de Golbey (Vosges) sur la valorisation des produits de la forêt, et Le Rafidin à Pocancy (Marne).

    Nos bioraffineries sont des écosystèmes territoriaux visant à transformer de façon durable et circulaire la biomasse produite localement pour des valorisations alimentaires et non alimentaires dans une logique d’écologie industrielle. Ce club a pour objet de partager en collectif des sujets d’intérêts, des bonnes pratiques, des enjeux et les problématiques liées au développement économique des bioraffineries territoriales du Grand-Est.

    De plus, nous venons de créer un club des start-ups de la bioéconomie, lors de la Foire de Châlons, le 7 septembre 2024. Il réunit 51 start-ups sur un potentiel global estimé à 108 start-ups bioéconomie domiciliées en Grand-Est. Nous sommes allés chercher ces start-ups au-delà de notre territoire pour en renforcer l’innovation.


    Les chiffres de l’agriculture dans le Grand-Est

      • 28 361 exploitations

      • 1166 entreprises agroalimentaires

      • 63 960 emplois agricoles

      • 38 737 emplois dans l’agroalimentaire

      • 3 millions d’hectares de terres agricoles (52 % du territoire)

      • 7,09 milliards de valeur ajoutée

      • 5,5 milliards d’euros d’excédents commerciaux

      • 423 millions de bouteilles vendues en 2023

      • 1,9 million d’hectares de forêt de production

      • 45 000 salariés dans la filière bois

      source : région Grand-Est