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AG Nutrinoë : trouver la bonne segmentation pour reconquérir le marché intérieur

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Après une année 2017 difficile pour l’alimentation animale, 2018 a tenu ses promesses en affichant une hausse de près de 1 % au niveau national. Mais ce résultat cache évidemment des disparités régionales, révélatrices de filières qui s’intensifient et d’éleveurs qui se découragent, changent de systèmes ou tout simplement arrêtent, sans reprise. Le point sur le Grand Ouest avec Hervé Vasseur, président de l’association des fabricants d’aliments de Bretagne, Nutrinoë*, qui tenait son assemblée générale le 3 juillet à Brest.

Référence Appro : Quelles sont les tendances observées en 2018 dans les différentes régions du Grand Ouest ?

Hervé Vasseur : Le tonnage des 3 régions d’élevage du Grand Ouest est en recul de 0,5 %, avec la Bretagne et la Basse Normandie qui restent positives, respectivement +0,14 % et +1 %, et les Pays-de-la-Loire qui accusent une baisse (-2,24 %). Ce résultat s’explique par un recul global sur les trois grandes filières : porc (-2,9 %), pondeuses (-7,8 %) et bovins (-1,5 %). La Bretagne recule aussi sur les filières porc (- 2 %) et pondeuses (-0,5 %), mais la hausse des aliments bovins compense (+ 7 %) : la reprise du prix du lait a intensifié la production, entraîné des regroupements et, sous l’effet de l’augmentation de la taille des cheptels, l’utilisation de concentrés dans la ration a augmenté. Pour les éleveurs de porcs, la baisse se poursuit. L’année 2018 a été difficile et le début 2019 fut très bas. Nous assistons à une diminution des effectifs et à des arrêts d’activités, sans reprise. Les éleveurs sont découragés car les cours ont été trop longtemps trop faibles. La reprise des exports vers l’Asie, depuis avril, aide bien les cours mais ne va pas changer fondamentalement la donne…

R.A. : Pour pallier cette baisse d’activité, l’objectif affiché par l’association pour 2018 était de partir à la reconquête du marché français, ce qui permettait aussi de répondre aux attentes sociétales. Qu’en est-il aujourd’hui ?

H.V. : En porc et en bovin, l’étiquetage de l’origine des viandes fraîches est positif, mais il faudrait son élargissement aux autres marchés. La concurrence est très rude avec l’Espagne et l’Allemagne. En aliments volaille, la relance de la production de poulet en France et en Bretagne, opérée par le groupe LDC en partenariat avec les structures bretonnes, vise à récupérer 1 % de part de marché par an face importations d’Allemagne et de Pologne, entre autres. Pour les aliments pondeuses, nous assistons à la bascule de l’oeuf en cage vers des productions type au sol, plein air, label rouge, bio, etc. La transition est en marche avec des phases à vide.
D’un point de vue général, même si le marché nous chahute un peu, nous restons tous sur un engagement pour plus de matières premières locales et françaises : la tendance est à la hausse des tourteaux métropolitains, ou ouest européens, et à la baisse des importations américaines. Le colza français et ses coproduits sont évidemment des atouts de taille dans cette bataille. Nous travaillons tous à intégrer de plus en plus de protéagineux, notamment via le plan SOS protéines en Bretagne et Pays-de-la-Loire, mais nous avons besoin de volume et d’une offre durable. Pour l’instant, l’offre reste trop limitée dans le temps : les pois vont sortir en août, septembre puis plus rien…

R.A. : Quelles sont les actions prévues pour répondre au besoin de segmentation et gagner en compétitivité ?

H.V. : Pour retrouver de la rentabilité, nous misons sur un plan d’amélioration des bâtiments, afin d’augmenter les capacités de stockage de matières variées en usine et, en élevage, pour sécuriser et les rendre plus autonomes dans l’objectif de mieux optimiser les transports et d’économiser sur ce poste. Dans le cadre de la reconquête du marché intérieur en volailles, par exemple, plus de 2 milliards d’euros seront investis pour rénover les bâtiments d’élevage surtout, mais aussi les outils d’abattage et de transformation, etc. Ensuite, il y a la relance du fret ferroviaire en Bretagne qui nous permet de viser un objectif de 25 trains en service par semaine. Après les grèves et les mauvaises gestions de 2018, nous étions tombés de 1 million à 600 000 tonnes transportées par fer ! Nous visons le retour au million de tonnes pour le fret rapidement.
Sur le stockage portuaire, nous restons pour l’instant à la phase du bilan et des besoins. Nous avons préféré mettre l’accent sur la fluidité de l’enlèvement de la matière première, afin de libérer de la capacité de stockage, car nous avons encore des progrès à faire : nous avons observé une perte de 20 à 30 % de capacité quand nous segmentons trop. Il faut trouver le juste milieu !

Tonnages 2018 du Grand Ouest
France : 20,8 millions de tonnes
Bretagne : 7,79 Mt
Pays-de-la-Loire : 3,71 mt
Normandie : 750 000 t

*Nutrinoë regroupe 17 entreprises bretonnes de fabrication d’aliments du bétail, couvrant 40 % de la production nationale en 2018 (57 % pour l’Ouest de la France).

 

En 2021, une usine pilote pour améliorer la qualité de l’aliment et réduire l’énergie utilisée

L’amélioration des process fait aussi partie de l’éventail des solutions de Nutrinoë pour retrouver de la rentabilité. Le projet Apitec Tecaliman entre dans sa deuxième phase et une usine pilote devrait voir le jour en 2021/2022. Hervé Vasseur explique : « Notre objectif est d’améliorer la qualité de l’aliment tout en réduisant l’énergie utilisée. Cela bénéficie aussi à l’environnement, par exemple, au travers de la diminution des gaz à effet de serre (GES) : en quinze ans, entre le choix des matières premières, l’amélioration de l’efficacité alimentaire et la meilleure gestion des énergies, les émissions de GES ont diminué de 16 % par kilo de produits animaux. Nous continuerons à agir dans ce sens ! ».