« Nos premières mesures pour une agriculture compétitive et durable », Christophe Hansen,
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Christophe Hansen, Commissaire européen à l’Agriculture et à l’Alimentation, a tenu sa première conférence de presse, à l’inauguration des EU Agri Food Days, à Bruxelles, le 10 décembre 2024.
Quelles mesures vont être annoncées pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales ?
Nous allons faciliter et fluidifier le rassemblement des agriculteurs en organisations de producteurs (OP), qui permettent d’avoir plus de poids dans la chaîne de production alimentaire : on sait que ce système fonctionne, mais il est plus développé dans certains Etats membres que dans d’autres, et peut donc encore s’améliorer.
Ensuite, nous allons imposer qu’un contrat écrit soit signé, spécifiant le prix, la quantité et la qualité attendus en amont de chaque commande passée à un producteur, et avant livraison. Cette démarche, qui n’a pas besoin d’être un contrat de dix pages, engagera les acheteurs sur un prix convenu, permettra aux producteurs primaires d’améliorer leur visibilité sur leurs revenus, et empêchera les ventes à perte. Enfin, nous allons renforcer les lois contre les pratiques commerciales déloyales transfrontalières.
Vous souhaitez une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Comment comptez-vous y parvenir sans assigner d’objectifs contraignants ?
L’agriculture doit déjà s’adapter à de profonds changements, notamment d’ordre climatique. Et l’agriculture ne se pense pas sans environnement ; vouloir rendre l’agriculture plus résiliente, cela signifie plus d’adaptations, et de nouveaux systèmes à penser : on a pu voir cet été, lors des événements climatiques dans de nombreux pays, que la gestion de l’eau, par exemple, doit s’adapter à ces événements. Nous avons besoin d’outils technologiques, et pour les développer, il est clair qu’il y a aujourd’hui besoin d’innovations, et d’investissements, qui manquent encore. Donc, pour progresser, il y a bien sûr la voie réglementaire, mais aussi le levier de l’investissement.
On parle beaucoup aujourd’hui de réciprocité, et notamment vis-à-vis du Mercosur : pensez-vous que les agriculteurs européens jouent à armes égales avec leurs homologues sud-américains ?
Pour le Mercosur, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir : il doit être ratifié par les Etats membres, puis par le Parlement, avant d’être implanté. Ceci dit, il y a déjà des protections et des barrières qui existent : lorsque nous avons détecté, en Europe, la présence d’hormones dans la viande bovine du Brésil, les importations ont immédiatement cessé. Et nous souhaitons faire la même chose avec les produits contenant des néonicotinoïdes, aujourd’hui interdits en Europe. Bien sûr, il nous faudra renforcer nos contrôles aux frontières, et il faudra que nos règles restent compatibles avec celles de l’OMC.
Que placez-vous dans le paquet « simplification » de la PAC ?
Tout d’abord, je tiens à rappeler que tout n’est pas à jeter des législations européennes précédentes ! Ensuite, nos premières pistes : il faudra que la réforme soit prête plus en amont que la précédente, afin que les autorités nationales aient le temps de la transposer sereinement et complétement. Ensuite, les fonctionnaires de la DG Agri examinent les éventuels chevauchements administratifs et législatifs, afin d’éviter les doublons et la multiplication des tâches administratives. Par ailleurs, nous regardons partout où il est possible de raisonner en forfaits, afin de limiter les déclarations et relevés de tout ordre. Notre principe consiste à regarder ce que nous pouvons pérenniser parmi les différentes simplifications effectuées en urgence en début d’année.
Le Dialogue stratégique parlait d’évolutions de régimes alimentaires : pouvez-vous nous dire si le sujet sera à l’ordre du jour dans les premières années de la Commission ?
Nous avons très clairement un déficit de protéines au sein de l’UE, et c’est un sujet que nous souhaitons traiter. Ensuite, les questions de régime alimentaire seront bien sûr au menu de nos discussions avec Oliver Varheily, commissaire à la Santé et au Bien-être animal.
Ensuite, sur cette question des régimes alimentaires, le Dialogue stratégique n’a pas été entièrement clair ; par exemple, sur les questions de réductions des cheptels, nous ne croyons pas à une approche “One-Size-Fits-All” (taille unique en français, Ndlr). Il y a des territoires où il est nécessaire de réduire le cheptel, pour des questions d’environnement, mais d’autres, telles que les Alpes françaises, italiennes ou autrichiennes, par exemple, où le cheptel bovin est un vecteur de biodiversité. S’il n’y avait pas de troupeaux, il n’y aurait aucun moyen d’entretenir les prairies dans ces environnements.
Enfin, comment empêcherez-vous les agriculteurs de venir avec leurs tracteurs à Bruxelles ?
En allant les voir, sur le terrain ! Je comprends les inquiétudes et la colère des agriculteurs, et ils ont raison de les exprimer : je viens d’une exploitation agricole du nord du Luxembourg, et j’ai vécu avec ces questionnements. En ce moment, je suis en phase d’apprentissage sur les autres régions d’Europe, mais mes origines sont bien du côté des agriculteurs.