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Afaïa, les engrais organiques confrontés à des verrous réglementaires

Le | Agrofournisseurs

Afaïa tenait le 15 novembre son congrès bisannuel. À l’occasion d’une conférence de presse, le syndicat de la fertilisation organique est revenu sur les freins réglementaires qui bloquent ses adhérents, malgré un soutien politique.

Afaïa, les engrais organiques confrontés à des verrous réglementaires
Afaïa, les engrais organiques confrontés à des verrous réglementaires

« Nous sommes dans une situation schizophrénique », soupire Laetitia Fourié, présidente d’Afaïa et responsable des affaires réglementaires pour Hello Nature, à l’occasion d’une conférence de presse le 15 novembre. Malgré un soutien politique fort aux engrais organiques, des verrous réglementaires subsistent entravant le déploiement des solutions élaborées par les membres d’Afaïa. « Certains projets innovants sont financés par France Relance, mais la mise en marché peut être très compliquée en France, soit parce qu’il n’y a pas de case dans laquelle faire rentrer ces solutions, soit parce que les évaluateurs freinent », ajoute-t-elle. « Plus nous faisons de l’organique, plus nous sommes mis en avant, et plus on nous met des bâtons dans les roues », renchérit Laurent Largant, directeur d’Afaïa

La catégorie des sous-produits animaux toujours manquante

En témoigne, par exemple, le nouveau règlement européen dédié aux fertilisants, entré en vigueur en juillet 2022, et qui, pour le moment, n’est pas applicable à une immense partie des engrais organiques. « La catégorie CMC 10 qui contient les sous-produits animaux n’a pas encore été définie par la Commission européenne, explique Laurent Largant. Par conséquent, les engrais issus de lisiers, fumiers et fientes ne peuvent pas bénéficier de la certification européenne. » Afaïa répond aux sollicitations et consultations sur le sujet, dont la dernière en date, publiée par la Commission européenne il y a trois semaines, vise à donner les conditions pour remplir la fameuse catégorie CMC 10.

Toujours pas d’organisme certifié en France

Autre point de frustration pour les acteurs des amendements et engrais organiques : les producteurs de fertilisants et supports de cultures renouvelables doivent demander des autorisations et passer par des contrôles, tandis que les producteurs d’engrais minéraux et de terreaux tourbés sont en auto-déclaration. Enfin, les rares acteurs de la fertilisation organique qui pourraient faire entrer leurs produits sur le marché européen sont bloqués par le manque d’organismes certifiés : la France n’en ayant toujours pas nommé, alors qu’il en existe désormais une dizaine à l’échelle européenne. « Mais les plus petites sociétés n’ont pas toujours de services de traduction pour déposer les dossiers dans un autre pays, pointe Laetitia Fourié. Ce sont encore les plus petites entreprises qui sont pénalisées par la situation. »

Inquiétude sur le front de la grippe aviaire

Outre la situation réglementaire, les fabricants d’engrais organiques sont aussi confrontés au risque de crise des matières premières. La grippe aviaire a déjà privé la filière d’une partie de ses approvisionnements. « Là où la filière tremble, c’est si l’épizootie s’étend en Bretagne, précise Laurent Largant. Si toutes les fientes de volailles sont contaminées en Bretagne, ou si la peste porcine arrive du nord-est de l’Europe, jusqu’à la France, nous pourrions perdre tous les volumes du marché. » D’autant que, même en cas d’identification d’un processus d’hygiénisation efficace, qui repose forcément sur l’utilisation de la chaleur, il n’est pas certain que les acteurs de la fertilisation pourront engager les coûts nécessaires, compte tenu des prix de l’énergie.

Frass d’insectes et déchets ménagers, des pistes d’avenir

Mais si les perspectives sont inquiétantes, bien que les foyers d’infection soient, pour le moment, bien contenus, les adhérents d’Afaïa sont aussi dans la prospective. De nouvelles sources de matières premières émergent, notamment les déjections d’insectes, appelées frass. « Ce sont les seuls élevages qui sont en hausse, sourit Laurent Largant. Ils remplacent certains élevages traditionnels. » Autre source potentielle d’engrais organiques : les déchets ménagers. Selon la loi Agec, dès 2024, les ménages devront pouvoir trier leurs déchets biodégradables, ce qui pourrait représenter des millions de tonnes de matière humide. « En matières sèches, c’est moins impressionnant, mais cela reste une source intéressante, pointe Antoine Tricaud, directeur bioressources méthanisation chez Terrial, qui a lancé des partenariats avec les villes de Nantes et Reims autour de la collecte de déchets. Cependant, il reste du travail de communication et de sensibilisation, car de la qualité de la collecte dépendra celle du fertilisant. »