Grippe aviaire, le marché des engrais organiques menacé
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L’épizootie de grippe aviaire menace le marché des engrais organiques. En effet, les fientes constituent une matière première essentielle dans la constitution de fertilisants. Si les régions fortement touchées par l’influenza aviaire sont peu exportatrices d’engrais, la Bretagne est scrutée de près par les fabricants, et les impacts se font déjà sentir sur le terrain.
Alors que la grippe aviaire s’étend de façon exponentielle dans le Sud-Ouest de la France, le poids de cette épizootie sur le marché des engrais organiques reste inconnu. « Les régions qui sont fortement touchées par l’épizootie ne sont pas des régions très exportatrices de fientes, indique Laurent Largant, directeur d’Afaïa. L’impact est fort, localement, mais ne déstabilise pas, pour l’instant, le marché national. »
Une baisse de 40 à 50 % des volumes en un an
Terrial est particulièrement concerné par la situation. Ce producteur d’engrais organiques, dont les activités sont situées à 75 % en Bretagne et à 25 % dans les Pays de la Loire, constate une baisse des disponibilités en effluents provenant des élevages avicoles. « Nous traitons déjà des volumes d’engrais légèrement en baisse, s’alarme Cyrille Anfray, directeur des opérations. Nous estimons que la situation pourrait revenir à la normale d’ici un an. D’ici là, notre perte de volume oscillera entre 40 et 50 %. » Pour compenser cette baisse, Terrial mise sur les pulpes de fruits et les tourteaux végétaux, moins concentrés en nutriments, mais qui permettent de répondre à la demande.
La nécessité de s’équiper d’outils d’hygiénisation
Outre les pertes en volume, Terrial doit aussi s’adapter à la réglementation sanitaire inhérente à la grippe aviaire. « Les schémas de biosécurité empêchent les mouvements d’animaux et d’effluents dans certains secteurs, ajoute Cyrille Anfray. Dans ces zones, nous avons arrêté de livrer dans les champs, des produits à base de déjections de volailles qui n’ont pas le statut transformé. » En temps normal, plus de la moitié des effluents distribués par Terrial sont compostés par les éleveurs sur leurs exploitations. Désormais, les deux tiers sont transformés par granulation ou compostage. « La situation illustre la nécessité de se doter d’outils d’hygiénisation plus nombreux dans l’ouest de la France », estime Cyrille Anfray. Terrial a d’ailleurs pour projet d’investir dans une usine de traitement des effluents en 2023.
Des difficultés pour l’approvisionnement des distributeurs
La grippe aviaire renforce une situation déjà compliquée, induite par la guerre en Ukraine. « Le prix des matières premières organiques est corrélé au chimique, estime le directeur d’Afaïa. Quand l’azote de synthèse monte, toutes les sources azotées organiques montent aussi. » Le manque de vision sur les disponibilités et les prix empêchent les producteurs d’engrais de se projeter : « Alors qu’auparavant, nous faisions des offres avec plusieurs mois d’avance, nous ne sommes plus qu’à quelques semaines, confie Cyrille Anfray. Cela pèse sur les plans d’approvisionnement de nos clients distributeurs. Les référencements de fertilisation pour les cultures pérennes se faisaient auparavant avec six à douze mois d’avance. Il nous est aujourd’hui impossible de répondre à ce genre de demandes. » Terrial n’a pas pu émettre d’offres de fertilisation pour les colzas, faute de garanties sur les offres et les prix.
« Si la Bretagne est frappée, l’impact pourrait être catastrophique »
Si la situation est déjà inquiétante avec les Pays de la Loire, les acteurs du monde des engrais observent avec crainte la propagation de l’épizootie, notamment en Bretagne, la première région avicole de France. Deux œufs sur cinq et une volaille de chair sur trois y sont produits ! De fait, la production de fientes provient principalement de cette région. « Si la Bretagne est frappée, l’impact pourrait être catastrophique », alerte Laurent Largant. Six élevages bretons ont pour le moment été infectés, malgré les dispositifs d’abattage de type pare-feu mis en place dès le début du mois par les autorités sanitaires, pour « protéger le bassin de production situé au nord, notamment la Bretagne », selon une note de la DGAL. À la date du 20 avril 2022, la France compte 1 315 foyers d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) en élevage, 46 cas en faune sauvage et 28 cas en basse-cours, indique le ministère de l’Agriculture.