BASF teste la vente de cultures saines
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L’économie de la fonctionnalité, qui consiste à ne plus vendre un produit mais son usage, son résultat, a le vent en poupe. Exemple parlant avec Michelin, qui ne commercialise plus des pneus aux poids lourds, mais des kilomètres parcourus. Pourquoi ne pas appliquer ce modèle, qui s’inscrit dans la démarche de transition vers une économie verte, à la protection des plantes ? BASF s’y penche, via sa filiale agriculture numérique xarvio Digital Farming.
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Yohann Béréziat, responsable du développement xarvio Healthy Fields France chez xarvio Digital Farming.[/caption]
Ne plus vendre des fongicides mais des hectares de cultures saines, un modèle économique que xarvio Digital Farming, la filiale agriculture numérique de BASF, expérimente en situations réelles depuis l’an passé, avec xarvio Healthy Fields. Ce modèle, qui exige une forte coopération entre acteurs, conduit à une optimisation des intrants et du temps. Il pourrait être opérationnel partout en France dès l’année prochaine.
Créer de la valeur autour de la protection des plantes
“Nous réfléchissons depuis plusieurs années à l’idée de développer un autre modèle économique sur le secteur de la protection des plantes, précise Yohann Béréziat, responsable du développement xarvio Healthy Fields France chez xarvio Digital Farming. Parce que le marché phytosanitaire baisse, que l’on cherche à développer de la valeur au-delà du produit seul, et parce que nous nous devons de répondre aux enjeux de la transition agroécologique.”
En 2020, xarvio Digital Farming a lancé son expérimentation xarvio Healthy Fields sur 400 ha de blé tendre, avec trois distributeurs partenaires, des entreprises de travaux agricoles (ETA) et plusieurs exploitations agricoles pilotes. “Nous ne vendons plus les moyens d’arriver à un résultat et donc les fongicides, mais le résultat lui-même : des cultures saines. Ce résultat est porté par un collectif de plusieurs acteurs, qui s’engagent ensemble sur la production d’une culture en pleine santé. Cela se traduit par la garantie d’un minimum de plante verte. Un prix à l’hectare est calculé et proposé à l’agriculteur pour chaque parcelle, en fonction de la variété, de la date de semis, du type de sol, du précédent cultural et de la région. Si le résultat final n’est pas au rendez-vous, l’agriculteur est indemnisé par xarvio.”
Passer de la compétition à la coopération entre acteurs
Le modèle, innovant, pose encore plusieurs questions, notamment celles du prix proposé à l’agriculteur et de la répartition des rôles de chaque acteur au sein du collectif responsable du service. Mais il paraît prometteur et pourrait être complètement opérationnel dès l’année prochaine. “L’an passé, nous avons atteint nos critères de plante saine sur plus de 80 % des hectares. Nous avons également pris conscience de l’importance des données parcellaires qui sont saisies et prises en compte par les algorithmes de positionnement des fongicides”, explique Yohann Béréziat. La protection des cultures devient un service global dans lequel tous les maillons de la chaîne sont importants : surveillance agronomique de parcelles, déclenchement des traitements, logistique des produits, application des fongicides. “C’est un engagement collectif sur le résultat, qui nécessite un partage clair des rôles et des responsabilités. Ce modèle exige des échanges et une confiance entre les acteurs, ce qui s’apparente davantage à de la coopération qu’à de la compétition.”
Un modèle économique vertueux
“Avec ce modèle, l’optimisation des moyens aboutissant au résultat est recherchée : efficacité de la surveillance des parcelles et fongicides utilisés sont raisonnés au plus près, reprend le responsable de l’expérimentation. L’an passé, l’expérimentation a conduit à baisser l’IFT de l’ordre de 30 % par rapport aux pratiques des dernières années sur les exploitations pilotes. Les acteurs sont unanimes : le modèle est en accord avec l’agroécologie.”
Yohann Béréziat le confirme : les agriculteurs qui utilisent l’OAD xarvio Field Manager pour positionner leurs fongicides n’osent pas toujours suivre complètement les recommandations de l’outil. “Nous constatons que 30 % des impasses de T1 préconisées et que 20 % des recommandations de réduction de doses ne sont pas suivies. Avec xarvio Healthy Fields, nous appliquons les recommandations strictes de l’outil et nous prenons le risque d’un échec à la place de l’agriculteur. Raison pour laquelle nous pouvons faire baisser les IFT dans certaines situations, sans mettre en péril le résultat du producteur.”
Le risque n’étant plus pris par l’agriculteur, les trajectoires de type HVE sont facilitées. “Dans le système, l’agriculteur confie uniquement au collectif le pilotage de sa protection, il reste maître de ses choix de variété, de pratiques agronomiques, de commercialisation de sa récolte, précise Yohann Béréziat. Progressivement, xarvio Healthy Fields va l’aider à mesurer l’impact économique de produire une culture saine selon différents scénarios agronomiques, de rotation, de choix variétales, etc.”
Xarvio continue l’expérimentation en 2021, sur davantage d’hectares, sur blé et sur orge, avant d’envisager une extension à d’autres cultures et à d’autres problématiques intégrant les avancées technologiques de l’agriculture numérique.