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Le désherbage des céréales d’hiver à l’épreuve de la pluie

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La saison automnale 2023 restera dans les mémoires d’agriculteurs pour ses fortes précipitations, venues perturber le désherbage habituel après les semis des céréales d’hiver. Alors que la première partie du désherbage se conclut en cette fin janvier 2024, retour sur les conséquences de la météo capricieuse des derniers mois, qui laissent entrevoir un marché printanier inaccoutumé.

La saison automnale 2023 a marqué par ses pluies diluviennes, bouleversant le désherbage habituel su - © D.R.
La saison automnale 2023 a marqué par ses pluies diluviennes, bouleversant le désherbage habituel su - © D.R.

Si les cultivateurs ne sont pas nés de la dernière pluie, ils ont été surpris, comme le reste de la population, par les fortes précipitations tombées dès la mi-octobre 2023. De nouvelles averses ont suivi en novembre, puis au début du mois de janvier 2024, provoquant crues et inondations, comme dans les Hauts-de-France. Outre le développement des semis des céréales d’hiver tout juste plantés, la pluviométrie particulièrement élevée des derniers mois a bouleversé la pratique du désherbage, de rigueur durant la saison automnale. 

Des niveaux d’efficacité quasiment réduits de moitié

« Différents cas de figure se sont présentés pendant cette campagne, décrit Ludovic Bonin, spécialiste désherbage au sein du pôle « Flores adventices - Lutte contre la verse » chez Arvalis. Parmi les semis qui ont été réalisés précocement, soit début octobre, certains ont pu désherber dans la foulée ou en décembre, même si cela reste assez limité, d’autres non. Pour ceux qui n’ont pas désherbé, ils ont aujourd’hui des parcelles avec des céréales plutôt bien implantées, mais très sales ». Et pour cause : les pluies n’ont pas retardé l’apparition des mauvaises herbes ! Or, il existe une règle de base en matière de désherbage : plus il est réalisé rapidement, plus il sera performant. « Quand l’agriculteur doit désherber des ray-grass ou des vulpins à trois feuilles, c’est trop tard, confie Ludovic Bonin. Cela ne veut pas dire que si vous mettez un herbicide, il ne fonctionnera pas, mais son niveau d’efficacité sera moindre par rapport à un désherbage précoce : nous pouvons espérer atteindre 50-60 %, alors que nous aurions pu être sur du 90-95 %, voire du 100 % dans certains cas ». 

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Le désherbage des céréales d’hiver à l’épreuve de la pluie - © D.R.
Le désherbage des céréales d’hiver à l’épreuve de la pluie - © D.R.

Ludovic Bonin est spécialiste désherbage chez Arvalis. ©DR[/caption]

De fait, le désherbage n’a pu avoir lieu sur bon nombre de cultures. « Dans le contexte de cette année, il y a une part non négligeable d’hectares de céréales qui n’ont pas été semés, et parmi les surfaces semées, un certain nombre n’ont pas pu être désherbé compte tenu des conditions climatiques », rapporte Emilie Ardissone, responsable filière Europe BASF. C’est également ce que confie Amandine Berthoud, chef marché responsable des herbicides céréales chez Bayer : « Les premières données en notre possession font état d’une baisse de 34 % des surfaces de céréales désherbées à l’automne 2023, explique-t-elle. Quasiment la moitié (47 %) des blés tendres n’a reçu aucun herbicide jusqu’à présent ». Qui dit conditions défavorables, dit aussi des ventes de produits à la baisse : pour Bayer, le marché du désherbage toutes céréales confondues a diminué d’un tiers (- 35 %) pendant la dernière saison automnale. 

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Le désherbage des céréales d’hiver à l’épreuve de la pluie - © D.R.
Le désherbage des céréales d’hiver à l’épreuve de la pluie - © D.R.

Amandine Berthoud est chef marché responsable des herbicides céréales chez Bayer. ©DR[/caption]

« Les produits de pré-levée ont été moins impactés que ceux de post-levée »

« Certains produits se sont bien comportés, comme le Mateno, pourtant destiné aux blés tendres mais dont l’une des matières actives, l’achlonifène, forme un film à la surface du sol et rend le produit moins dépendant aux conditions climatiques », indique Amandine Berthoud. De son côté, BASF souligne l’efficacité du désherbage précoce : « Dans ce contexte compliqué, les produits de pré-levée ont été moins impactés que ceux de post-levée, les agriculteurs ayant choisi cette stratégie ont pu désherber dans la foulée de leurs semis, comme par exemple avec notre produit Trooper », évalue Emilie Ardissone.

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Le désherbage des céréales d’hiver à l’épreuve de la pluie - © D.R.
Le désherbage des céréales d’hiver à l’épreuve de la pluie - © D.R.

Emilie Ardissone est responsable filière Europe chez BASF. © DR[/caption]

Quid du printemps à venir et du nouveau désherbage qui s’annonce ? « Des désherbages sont encore sûrement à venir, même si les conditions ne seront pas idéales pour l’efficacité et la sélectivité des produits. La stratégie de désherbage et donc le choix des produits dépendra du stade de la culture, la pression adventice et les conditions au moment du traitement, rappelle la responsable filière Europe BASF. D’un point de vue réglementaire, les produits racinaires habituellement utilisés pour le désherbage d’automne sont utilisables sur les céréales semées avant 1er février, sauf exception, mais il faut veiller à respecter le stade de la culture et celui des adventices ainsi que les bonnes conditions d’emploi des produits ». Car, si certains stocks d’herbicides d’automne sont encore disponibles, faute d’avoir été dispersés sur les cultures, leur utilité risque de s’avérer moindre au retour des beaux jours. 

Un marché printanier plus « dynamique » que d’habitude ?

C’est ce qu’explique en creux Ludovic Bonin : « Les produits d’automne agissent sur des adventices très jeunes, en cours de germination, les produits de sortie d’hiver peuvent encore fonctionner sur des adventices plus développées. Le problème, c’est que ces produits ayant été trop utilisés par le passé, certaines populations développent des résistances à ces molécules  ; dès lors, ils ne fonctionnent plus ». Voués à maximiser l’efficacité des produits qu’ils utiliseront au printemps, les agriculteurs pourront notamment s’appuyer sur des formulations OD (Oil Dispersion), huileuses, qui ont démontré leur intérêt à l’automne dernier : « Ce sont des produits qui s’étalent mieux sur la feuille, avec une meilleure adhésion et une meilleure rétention », vante la responsable de Bayer. Les agriculteurs trouveront-ils la parade ? Toujours est-il que, chez la firme allemande, « on s’attend à un marché dynamique » dans les semaines à venir.