Le Sénat adopte le projet de loi relatif aux obtentions végétales : « une étape fondamentale » selon Claude Tabel, de RAGT
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Le 8 juillet, le Sénat a adopté, en première lecture, un texte sur les certificats d’obtention végétale : un texte qui permettrait de traduire en droit français la convention « Upov » de 1991. Décryptage de ce projet de loi avec Claude Tabel, président de la commission sur la propriété intellectuelle au sein de l’UFS (union française des semenciers) et directeur général de R2N, la filiale recherche de RAGT.
En quoi ce projet de loi est-il si important pour les professionnels de la semence ?
Ce projet de loi, s’il est adopté, aboutirait à deux avancées majeures. Tout d’abord à la légalisation de la pratique des semences de ferme, pour les espèces autogames notamment. Les agriculteurs pourraient donc utiliser leurs propres semences, à condition de participer au financement de la recherche. Comment ? Tout le système reste à définir. Toutes les voies sont envisageables : les discussions pourraient alors se faire entre un obtenteur et un agriculteur, entre un groupe d’obtenteurs (la Sicasov) et un groupe d’agriculteurs (AGPB…) ou le mode d’emploi pourrait être acté, par décret.
Certaines personnes, à l’image de la Confédération Paysanne, parlent d’un réel « hold up de l’industrie sur la semence » ?
Pas du tout. Le parallèle avec l’industrie de la musique permet de mieux comprendre. Il est normal qu’un artiste soit rémunéré pour le morceau qu’il a composé ou chanté. Le téléchargement, la copie de ce morceau, doit rester payant. De même, un agriculteur doit avoir la possibilité de ressemer sa propre récolte à condition qu’il rémunère le chercheur qui, à l’origine, a créé cette variété. Ce projet de loi permet ainsi un juste retour sur les travaux de recherche déjà réalisés, sécurise le financement de la recherche et donne aux sélectionneurs les moyens de développer durablement des variétés toujours plus performantes.
Propos recueillis par Anne Gilet
Quelle est l’autre avancée majeure du projet de loi ?
Elle concerne le métier d’obtenteur en tant que tel et renforce le système de propriété intellectuelle afin d’éviter le plagiat et l’appropriation par un tiers du travail de l’obtenteur en introduisant une modification limitée dans la variété initiale. En effet, pour commercialiser une nouvelle variété, celle-ci doit être « suffisamment distincte » des variétés déjà présentes sur le marché. Mais cela n’empêche pas un semencier d’utiliser la génétique d’un autre semencier pour l’améliorer et lui apporter des caractères nouveaux. Il n’existe aucune appropriation du vivant : celui-ci doit rester libre, accessible, gratuit à condition de l’utiliser pour créer quelque chose de réellement différent. Le système du certificat d’obtention végétal est un système original, ouvert, qui ne bloque pas la variabilité mais participe à l’amélioration variétale.
Le point sur le texte
La proposition de loi, d’origine sénatoriale, a été déposée au Sénat par Christian Demuynck et plusieurs de ses collègues.
Elle a pour objet
- d’adapter le droit français à la réalité de la situation que connaît aujourd’hui le secteur en définissant notamment un nouveau régime juridique applicable aux obtentions végétales ;
- d’harmoniser notre droit avec le droit européen et international afin de permettre à la France de ratifier la convention internationale sur la protection des obtentions végétales
- de donner un statut légal aux semences de ferme.
Le texte reprend un projet de loi, voté par le Sénat, mais devenu caduc. Il prévoit de modifier et de compléter le code de la propriété intellectuelle ainsi que le code rural et de la pêche maritime. Il prévoit également l’application du nouveau régime des obtentions végétales aux certificats d’obtention végétale (COV) déjà délivrés.