Les impacts de l’azote au cœur des rencontres du Comifer
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Les 24 et 25 novembre se sont tenues, à Clermont Ferrand, les rencontres du Comifer. L’événement a rassemblé 400 congressistes, dont 150 à distance, autour des avancées scientifiques dans le domaine de la fertilisation. L’azote et ses impacts étaient au cœur des débats.
Ce n’étaient pas les prix affolants de l’azote qui ont poussé les organisateurs à mettre l’azote au cœur des débats des 15ème rencontres du Comité français d’étude et de développement de la fertilisation raisonnée (Comifer) mais « l’envie des adhérents de parler des sujets qui les animent et de leurs travaux de recherche », explique Lionel Jordan-Meille, président du Comifer.
Le Prépa change la vision de la pollution liée à l’azote
« Ce n’est pas étonnant que ces sujets soient nombreux, estime Lionel Jordan-Meille. Le Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, Prépa, change la vision de la pollution due à l’azote : auparavant, il y avait une loi sur la pollution de l’eau, alors l’eau était dénitrifiée, et la pollution, simplement déplacée. Désormais il y a une loi sur l’air ! » Les impacts environnementaux de la fertilisation, l’efficience de l’azote et la gestion des fuites étaient des thématiques récurrentes de cette édition.
Laurent Varvoux, expert en amélioration de la fertilité des sols pour Terrena, s’est enthousiasmé : « Par rapport aux éditions précédentes, il y a une prise de conscience de l’importance de la protection de l’environnement. Le regard sociétal nous pousse à limiter les pertes, et à nous inscrire dans une démarche plus écosystémique. L’agriculture de demain n’existe pas encore, nous sommes aux débuts d’une agriculture à la fois productive et propre. »
Des débats nourris à propos des émissions de carbone
Une approche environnementale de la fertilisation, saluée également par Pierre-Yves Tourlière, responsable développement productions végétales pour Timac agro France : « Pour faire un bilan carbone positif et de la fertilisation, il ne faut pas opposer les deux. Sans fertilisation, pas de production de biomasse, pas de biomasse, pas de stockage de carbone. Mais bien sûr, et c’est l’objectif de ces rencontres, il faut fertiliser avec la bonne dose au bon moment et avec le bon produit. »
La différence entre les émissions brutes de gaz à effet de serre (GES), issues de la production et de l’épandage des engrais, et les émissions nettes, qui tiennent compte du stockage des GES par la biomasse, a d’ailleurs été abordée par Arthur Riedacker, directeur honoraire d’Inrae, dans une intervention suscitant des débats nourris entre les participants.
La fertilisation dans le label bas carbone
Pour Marc Hervé, responsable agronomique d’Eurochem, la fertilisation peut même être un levier de diminution des émissions atmosphériques : « L’estimation carbone d’une production de blé est liée à 50 % à la fertilisation. En améliorant l’efficience de l’azote, en utilisant, par exemple, des inhibiteurs de nitrification, un agriculteur peut réduire de 30 à 40 % ses émissions en protoxyde d’azote. Ce levier a été identifié dans la méthode grandes cultures du label bas carbone, et est affecté d’un facteur d’abattement de 20 %. »
Mieux comprendre la dynamique des sols pour améliorer la génétique
« Plus il y aura d’infos et d’outils sur le pilotage et la compréhension de la fertilité des sols, plus les performances seront optimisées aux champs, et plus la génétique sera valorisée, abonde Bastien Tresse, ingénieur innovation responsable pour Limagrain Europe. Cela peut être intéressant pour nous, semenciers, d’avoir ces informations pour développer des semences qui sauront valoriser cette dynamique. Nous avons développé le colza N-Flex qui supporte des périodes de carence en azote. Nous pourrions imaginer des blés aux absorptions racinaires plus importantes ou des développements racinaires permettant de mieux valoriser la fertilisation des sols. »
Des outils nombreux et au stade expérimental
Léger bémol, souligné par Pierre-Yves Tourlière, le grand nombre de solutions présentées, sans qu’une distinction entre ces options ne soit opérée : « Nous avons eu de nombreuses analyses sur différents outils, mais concrètement, comment je pilote l’azote ? Est-ce qu’il existe un outil meilleur qu’un autre ? Il ne faudrait pas qu’il y ait de querelles de clochers sur ce sujet. » Le Comifer a d’ailleurs été chargé par le ministère de l’Agriculture d’établir un inventaire des outils d’aide à la décision dédiés à la fertilisation.
Si les outils n’offrent pas encore totale satisfaction, et en sont encore souvent à un stade expérimental, l’innovation est néanmoins rapide, avec, par exemple, l’utilisation de satellites et de modélisation pour limiter les pertes. « L’évolution de l’indice de nutrition azotée, c’est un vrai progrès, estime Lionel Jordan-Meille. Il y a six ans, cela avait été présenté lors des rencontres du Comifer, mais il ne s’agissait que d’une thèse sans application concrète. Aujourd’hui, les expérimentations se font sur des régions entières, en l’occurrence la région Grand Est. »