Mildiou sur vigne, le préventif et la réduction des cadences s’imposaient
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Les viticulteurs se souviendront de l’année 2023, avec sa pression mildiou inégalée. Arrivée tardivement, la maladie en a surpris plus d’un. Selon les premiers retours de chefs marché et d’experts technique, l’efficacité des produits phytosanitaires n’est pas remise en cause. Tout était question de positionnement et de cadence de traitement.
« De mémoire de viticulteur, on n’avait jamais vu cela : le mildiou n’épargne personne cette année et prend des proportions inégalées », souligne la Chambre d’agriculture de la Gironde, le 12 juillet 2023, dans un communiqué. Et de préciser que « le suivi sanitaire des 86 parcelles de référence réalisé par le réseau BSV (Bulletin de santé du végétal) animé par la Chambre montre que 90 % des vignes sont touchées, à plus ou moins grande échelle. »
Avec son climat océanique, le bordelais s’avère être le plus touché. Ce qui a valu le déplacement de Marc Fesneau en Gironde, le 19 juillet, pour aborder les pistes d’actions à envisager afin de soutenir économiquement les viticulteurs touchés. Mais le mildiou a touché toutes les régions viticoles, certes de manière plus hétérogène, selon les pluies.
Pas de remise en cause de l’efficacité des produits, selon les agrochimistes
« Le facteur numéro un responsable de ces attaques de mildiou reste la pluviométrie, explique Jean-Baptiste Drouillard, expert technique vigne chez Syngenta. Après un mois de mai sec, la pluie est arrivée avec une fréquence telle que les viticulteurs ne pouvaient plus intervenir : sur un feuillage trop mouillé, la bouillie ne tient pas. » La virulence de la maladie est en effet probablement liée à la combinaison chaleur et humidité enregistrée sur plusieurs semaines. Les experts sont unanimes : il fallait, plus que jamais cette année, intervenir tôt, avant l’arrivée de la pluie, avant le tout début floraison, et avec des solutions robustes. « Les solutions actuelles sont préventives, rappelle Jean-Baptiste Drouillard. Rattraper les situations s’avère dès lors difficile. »
L’efficacité des produits n’est pas, à ce jour, remise en cause. « Tous les programmes ont eu des difficultés, précise Hermann Yadjia, chef marché chez Bayer. Mais les viticulteurs qui sont intervenus avant les pluies, qui ont réduit la cadence de leurs traitements et qui ont renforcé leur programme avec des multisites sur les périodes de pousses actives s’en sortent. » Cette année, les stades se sont accélérés, exigeant un resserrement des applications.
Sauvegarder les solutions actuelles
En raison du lessivage, les produits de contact ont été mis à rude épreuve. Mieux valait cette année attaquer, dès le stade boutons floraux séparés, avec des solutions haut de gamme. « Difficile de mettre en cohérence les attentes sociétales et la réalité terrain, note Auréliane Bekkal, chef marché chez Corteva Agriscience. Les solutions robustes, préventives, voient leur efficacité amoindrie lorsqu’elles sont utilisées trop tardivement. Ces traitements tardifs augmentent par ailleurs le risque de développement de résistances. Il faut faire attention à ne pas mettre en péril les rares molécules actuellement sans résistance avérée. »
De son côté, Béatrice Bacher, responsable marketing fongicides vigne chez BASF, tient à rappeler la nécessité de s’attacher à la qualité de la pulvérisation. Enfin, Hermann Yadjia s’interroge sur l’éventuelle responsabilité des parcelles laissées à l’abandon, qui pourraient constituer des réservoirs de germe. « La virulence des attaques de cette année a de multiples explications, pour lesquelles un recul est encore nécessaire, note-t-il. Mais on peut d’ores et déjà penser qu’avoir un état sanitaire homogène est essentiel. »
Le biocontrôle demeure utile contre le mildiou
Si faire le pari de ne mettre que des produits de biocontrôle s’avère risqué, ces solutions n’en demeurent pas moins utiles. « Certains de nos programmes visant la baisse de l’IFT et intégrant des solutions de biocontrôle ont bien fonctionné, affirme Béatrice Bacher. À condition, bien sûr, de commencer tôt et d’être très attentif afin de resserrer les cadences si le besoin s’en fait sentir. »