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NGT, des semenciers pointent les limites de cette technologie

Le | Agrofournisseurs

Le 2 février, à l’occasion d’une conférence portant sur la création variétale organisée par l’AGPB et Semae, plusieurs semenciers sont intervenus au sujet des NGT, plébiscités par les agriculteurs. Ils pointent des limites en termes d’efficacité, et des menaces réglementaires et économiques pour la filière semences française.

NGT, des semenciers pointent les limites de cette technologie
NGT, des semenciers pointent les limites de cette technologie

Les NGT, sur lesquels la Commission européenne a mené une consultation, sont souvent présentés comme une solution essentielle à l’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques. Lors de la conférence organisée par l’AGPB et Semae, le 2 février, les agriculteurs présents ont rappelé l’intérêt de ces technologies, et le risque de distorsion de concurrence, si elles étaient interdites en Europe.

Marin Desprez, directeur de la stratégie de Florimond Desprez, a apporté une vision plus nuancée sur les intérêts immédiats des NGT : « il s’agit d’une technologie récente, il faut être humble et modérés par rapport à ce qu’elle va pouvoir nous apporter. Ce dont on peut être sûr, c’est que ce n’est pas une baguette magique. »

Les NGT, des technologies balbutiantes aux effets limités

Car si de premiers résultats de recherche montrent qu’il est possible de transformer la plante, ces mutations interviennent sur des critères technologiques et monogéniques, tels que la teneur en certains composants. « Mais les inondations, la tolérance au stress hydrique, les aléas climatiques en général sont multifactoriels et multigéniques, précise-t-il. Il semble difficile de sélectionner une variété élite et de changer quelques paires de bases pour la rendre résistante au changement climatique. »

Une position partagée par Laurent Guerreiro, directeur de RAGT : « si notre seule solution c’est l’édition du génome, permettez-moi de vous dire que nous ne sommes pas bien du tout ! » Selon lui, les NGT peuvent être efficaces dès lors que la cible à éditer est précisément connue. « Sur le blé, nous sommes encore sur des zones larges d’ADN, appelées QTL, indique-t-il. C’est-à-dire, nous sommes à des années-lumière de connaître le niveau de génome suffisant pour amorcer des changements radicaux. »

Un investissement prohibitif

Par ailleurs, les semenciers ont mis en garde sur les risques réglementaires et financiers. « Il ne faut pas que les NGT deviennent le cheval de Troie de la privatisation du vivant, a déclaré Marin Desprez. En effet, avec le certificat d’obtention végétal, le système européen actuel, les variétés sont protégées, mais ce système garantit un libre accès à la diversité génétique. Or le système de brevets qui accompagne la production de NGT restreint le partage des connaissances et la libre concurrence, et conditionne l’accès aux variétés au paiement de royalties extrêmement coûteuses.

« Cela correspond à des millions d’euros d’investissements, pointe Laurent Guerreiro. Il faudra soit que le blé coûte trois fois plus cher, soit que ces technologies se démocratisent. » Avec des coûts de développement qui pourraient atteindre quatre ou cinq millions d’euros pour une variété, le retour sur investissement risque d’être compliqué, en particulier sur des marchés qui sont aujourd’hui dans l’impasse, comme les protéagineux. Le risque, à moyen terme, est de favoriser des multinationales de la recherche, au détriment du maillage national de semenciers de petite et moyenne taille, qui faisaient de la France le leader mondial de la semence.