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Semences bio : le futur règlement européen appelle à une certaine vigilance

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Après quatre années de négociations, le texte final du prochain règlement européen bio a été validé par le Conseil des ministres de l’Agriculture de l'UE, le 22 mai. L’entrée en vigueur est prévue le 1er janvier 2021. D’ici là, des « actes secondaires » doivent venir compléter le texte : des précisions indispensables selon la filière semencière, notamment sur la mise en place d’une base de données européenne, sur la définition précise de « matériel hétérogène » ou encore, sur le concept nouveau de « variétés bio »… Explications

Compilé en 300 pages, le fameux règlement européen bio a, depuis 2014, suscité des heures de discussions et de négociations. Si la production bio y est abordée dans son ensemble, plusieurs volets concernent directement les semences. « À commencer par la notion de base de données, explique Emmanuel Lesprit, directeur réglementation et innovation à l’UFS (Union française des semenciers). En place depuis de nombreuses années en France, cet outil était jusque-là diversement déployé par les autres États membres. À terme, un producteur pourra connaître les disponibilités pour une variété donnée, en France mais aussi dans les autres pays de l’Union ».

Dérogations possibles jusqu’en 2034

« Les dérogations sont quant à elles prolongées jusqu’en 2034, avec un point d’étape à mi-parcours, poursuit François Burgaud, directeur des relations extérieures du Gnis. La Commission européenne se donne la possibilité de jouer la carte de la flexibilité et du pragmatisme, en fonction des espèces ». Aujourd’hui, si le volume de semences bio produit est insuffisant pour une variété, l’agriculteur peut utiliser des semences conventionnelles non traitées. Une situation qui, il faut bien le reconnaître, n’incite pas à la production de semences bio.

Matériel hétérogène, semences paysannes… pas d’amalgame

« Le principal point de questionnement pour nous reste celui de la définition de « matériel hétérogène » cité dans le futur règlement, confie Emmanuel Lesprit. Il y est écrit que « les opérateurs peuvent commercialiser du matériel hétérogène biologique sans se conformer aux exigences d'enregistrement de certification. Autrement dit, la case certification n’est plus obligatoire. Mais qu’appelle-t-on précisément matériel hétérogène ? se demande-t-il. Certains font l’amalgame avec semences paysannes ou semences de ferme. La Commission européenne doit préciser les choses. Des actes secondaires devraient éclaircir ce point d’ici à fin 2019. Pour nous, il est capital que les agriculteurs connaissent la qualité, technique et surtout sanitaire, de ce qu’ils achètent. Et puis à partir de quel seuil une variété pas très homogène, acceptable au Catalogue officiel, devient-elle un matériel hétérogène ? »

Pour François Burgaud, « si l’information transmise aux clients est loyale et transparente, cette nouvelle notion ne nous gêne pas finalement. À condition toutefois que la liste de matériels hétérogènes n’accueille pas toutes les variétés qui auraient été refusées sur les autres listes d’inscription ».

Semences bio = essais conduits en bio ?

Le nouveau règlement européen prévoit également de favoriser les variétés sélectionnées en conduite biologique, c’est-à-dire sans aucun intrant chimique durant toutes les étapes de sélection… sur une période de 10 ans en moyenne. « Or, les premières étapes d’un croisement sont toujours précieuses et sont précisément protégées pour préserver les plantes sélectionnées. Qui prendra le risque de voir détruire un programme, au bout de 4 à 5 ans, par un insecte ou une maladie ? À mon sens, personne », conclut François Burgaud.

Sans compter, précise Emmanuel Lesprit que « certains obtenteurs pourraient être poussés à abandonner des techniques de sélection classiques, comme les variétés hybrides. Il y a un vrai danger à limiter l’offre variétale bio en se privant de telles solutions qui peuvent apporter des caractéristiques de résistance aux maladies par exemple. Refuser cette diversité, c’est scier la branche sur laquelle on est assis ! » À l’heure où la demande en produits bio ne cesse de croître, les semenciers restent vigilants sur le contenu des actes secondaires en cours de préparation. Car d’eux dépendront les règles à appliquer dès 2021 et avec elles, le potentiel de développement du marché bio.