Tendance herbicides céréales, le désherbage d’automne prend le pas sur la sortie d’hiver
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Pour les céréaliers, la stratégie de désherbage se décline principalement à l’automne. En moins de dix ans, les proportions se sont inversées avec les traitements de sortie d’hiver, confrontés aux résistances. À l’automne, la progression des applications de pré-levée est nette.
En matière de désherbage des céréales, les applications d’automne gagnent du terrain, aux sens propre et figuré. Arvalis-Institut du végétal évoque le chiffre de 68 % des surfaces de céréales traitées à l’automne en 2021. Soit une inversion des proportions par rapport à 2014, année pour laquelle ces chiffres correspondaient aux applications en sortie d’hiver.
Le désherbage de printemps, handicapé par les résistances
Ce vase communicant tient à un constat globalement partagé : les applications de printemps sont moins efficaces, se heurtant notamment aux phénomènes de résistance. « Même sans les résistances, en cas de grosse infestation, la sortie d’hiver ne suffit plus », précise Lise Gautellier-Vizioz, spécialiste désherbage chez Arvalis. Nicolas Pernollet, ingénieur agronome de la coopérative Vivescia, dans le Grand Est, évoque de son côté des « traitements onéreux et souvent décevants ». Son de cloche comparable dans la région Nord, chez Unéal. « Un désherbage unique en sortie d’hiver, c’est 30 à 40 % d’efficacité en moins, estime Denis Lepers, directeur appro de cette coopérative. Il y a sept ou huit ans, le désherbage de printemps représentait 70 % des surfaces contre 10 % aujourd’hui, où il concerne uniquement les parcelles semées tardivement. »
En automne, la pré-levée progresse
Cap donc sur les applications d’automne. « À cette période, trois molécules sont présentes sur 80 % des parcelles, pose Audrey Ossard, chef de marché herbicides céréales chez Bayer. Ce sont celles que l’on retrouve dans les deux produits les plus vendus : notre spécialité le Fosburi (flufénacet, diflufénican) et celle de Syngenta, Défi (prosulfocarbe). » Un marché solidement établi, pour lequel plusieurs sous-tendances se dessinent malgré tout. D’après Arvalis, si la post-levée reste la plus fréquente (43 % des surfaces), la pré-levée (32 %) se développe fortement, et l’institut technique n’y est pas pour rien. « Nous incitons les agriculteurs qui ne souhaitent faire qu’un passage à opter pour la pré-levée, confirme Lise Gautellier-Vizioz. Nous relevons 5 à 6 points d’efficacité en plus par rapport à une post-levée seule, pour les produits applicables à ces deux stades. »
« Je sème, je désherbe »
Un message reçu 5 sur 5 dans le Nord. « Le slogan ici, c’est : je sème, je désherbe, pose Denis Lepers. Après le stade une feuille, c’est trop tard. » La contrainte météo pèse sur ce choix. « Le risque de précipitations au cœur de l’automne est de nature à inciter les agriculteurs à agir tôt, valide Hubert Vincent, responsable marketing céréales chez BASF. Les utilisations de notre spécialité Trooper confirment cette tendance : il est appliqué à 60 % en pré, et 40 % en post-levée. » L’année 2019, et ses conditions très pluvieuses, qui avaient très clairement contrarié la sortie des pulvérisateurs, est encore dans les têtes.
Le double automne a de beaux jours devant lui
L’association pré et post se développe aussi : il représentait moins de 10 % des surfaces traitées à l’automne en 2014, contre 25 % aujourd’hui. « Même si cela reste marginal chez les adhérents de Vivescia, les surfaces concernées ont triplé en deux ans », selon Nicolas Pernollet. Chez Uneal, cette stratégie concerne 5 % des surfaces, « contre zéro il y a encore cinq ans », relève Denis Lepers. Cette montée en puissance du double automne pourrait perdurer, selon Julien Vaugoux, chef produit herbicides céréales chez Syngenta. « Sur la dernière saison, cette option a donné satisfaction, note-t-il. Elle ouvre aussi des possibilités pour conjuguer des matières actives de deux familles différentes pour chaque type d’adventice, règle de base d’une stratégie réussie. » Ce succès du double automne contribue à une augmentation globale de +0,1 traitement sur la saison 2021/22 par rapport à 2020/21.
Ne pas faire une croix sur l’application de printemps
Les responsables de firmes insistent sur l’importance de garder le traitement de printemps comme une corde de plus à l’arc des agriculteurs. « La résistance est loin d’être systématique pour les herbicides utilisés à cette période, nous invitons les producteurs et prescripteurs à bien mesurer ce phénomène avant de faire une croix sur ces applications », explique Audrey Ossard. Julien Vaugoux abonde : « Quand la résistance est faible ou inexistante, le traitement en sortie d’hiver permet d’optimiser celui d’automne, et fait gagner des points de rendement. » Hubert Vincent, lui, insiste, sur le fait que certaines adventices tardives ne peuvent être traitées qu’au printemps, notamment les dicotylédones, mais aussi certaines graminées tardives.
Certains experts alertent, enfin, sur les risques impliqués par un abandon de la sortie d’hiver pour n’avoir recours qu’aux applications d’automne. Pour certaines molécules utilisées à cette période, la perspective d’apparition de résistances existe, ainsi que des détections dans l’eau de quantités plus importantes, susceptibles de générer des contraintes d’utilisations supplémentaires à l’avenir.