Tendance herbicides tournesol, la post-levée gagne du terrain
Le | Agrofournisseurs
Pour le désherbage du tournesol, la prélevée se taille la part du lion, soit trois quarts du chiffre d’affaires, sur le marché des herbicides. Pour autant la post-levée est stimulée par les surfaces des VTH, qui se développent. La prégnance de l’ambroisie explique en partie cette évolution d’un marché par ailleurs en proie à des problèmes d’approvisionnement.
Le tournesol se fraye une place au soleil. La tendance lui est favorable, la guerre en Ukraine augmentant les besoins en huile. La remise en culture des jachères et le recul du maïs profitent ainsi à cette plante, dont les faibles besoins en engrais sont également un atout. Résultat, alors que les surfaces étaient descendues sous les 600 000 hectares il y a cinq ans, elles tutoient les 800 000 ha aujourd’hui. Les usages d’herbicides suivent cette tendance, avec +21 % d’hectares traités en 2022 par rapport à 2021.
Deux marchés se dégagent : celui des variétés classiques, avec deux tiers de la sole, traitées en prélevée ; et celui des variétés tolérantes aux herbicides, VTH, pour lesquelles une bonne moitié des traitements s’applique également avant la levée. « Les traitements de prélevée représentent 75 % du marché du désherbage tournesol, synthétise Hubert Vincent, chef de marché tournesol chez BASF. Mais la post-levée gagne progressivement du terrain, depuis une dizaine d’années. » En effet, les VTH, qui portent l’ensemble des traitements de post-levée, se développent.
Datura et ambroisie stimulent le marché des VTH
Le déploiement du datura et de l’ambroisie, qui drainent des enjeux de santé publique en raison de leur caractère toxique ou allergène, n’est pas étranger à ce phénomène. « Sur notre zone, dans l’Est de la France, les surfaces en VTH augmentent car ces variétés sont productives et permettent de lutter contre ces deux adventices », résume Vincent Beaunée, responsable du pôle santé végétal de l’union d’appro Aréa. BASF, qui se dégage comme le leader du segment herbicides tournesol, bâtit cette place en partie autour de sa forte présence sur la post-levée, avec 45 % des parts de ce marché.
Le son de cloche est toutefois différent dans le Sud-Ouest, chez Val de Gascogne. Les VTH représentent 30 % des surfaces des quelque 2500 adhérents de cette coopérative cultivant du tournesol. François Décamps, responsable grandes cultures, explique : « Nous ne poussons pas les VTH, car ces variétés ne correspondent pas à la richesse en huile recherchée, et induisent l’utilisation de modes d’action proches de celles des céréales, très présentes dans les rotations. » Dans une région où les variétés classiques sont mises en avant, le catalogue des herbicides de prélevée prend d’autant plus de poids.
Le marché en quelques chiffres
- BASF se dégage comme le leader (28 % de PdM), devant Belchim (18 %) et Adama (17 %).
Avec environ 10 % de PdM, Bayer et FMC complètent le top 5.
- 90 % des surfaces en tournesol ont été traitées en 2022 pour une dépense moyenne oscillant
entre 77 à 80 € par hectare traité.
-La pratique majoritaire est le passage unique, pour 64 % des surfaces traitées, contre deux passages dans
30 % des cas. Rares sont les producteurs optant pour trois applications ou plus (6 %).
Source : firmes
La réglementation joue sur le marché de prélevée
Sur ce segment, François Décamps anticipe une évolution des stratégies. « Le marché aborde un virage, estime-t-il. Un certain nombre de produits de prélevée sont de plus en plus contraints par la réglementation. Des spécialités comme Proman/Inigo/Soleto de Certis Belchim, et Dakota-P, proposé par BASF, pourraient en profiter. » Le recul sur le marché en 2022 de la spécialité Racer ME, proposée par Adama, serait une des illustrations de cette tendance. Amandine Deyrieux, ingénieure marketing chez Adama sur la zone Sud-Ouest, l’explique plutôt par des facteurs « conjoncturels », affirmant que « la mise en application des changements réglementaires du Racer ME depuis ces dernières années n’ont pas freiné la demande pour cette spécialité ». Adama, qui compte à sa gamme deux autres herbicides de prélevée et deux de post-levée pour les VTH, reste sur le podium, derrière BASF et très proche de Certis Belchim (voir encadré).
« Nous ne présentons qu’une seule spécialité, mais elle pèse, confirme Bertrand Boulet, chef marché grandes cultures chez Certis Belchim. L’effet notable de Proman/Inigo/Soleto sur l’ambroisie n’est pas anodin car cette flore, quand elle s’installe, nécessite une adaptation spécifique des programmes. » Si l’ambroisie revient très régulièrement comme le facteur X du désherbage des tournesols, elle n’est pas présente partout, et d’autres adventices influencent sur le marché. « Notre spécialité Challenge présente un spectre d’action large contre les dicotylédones, et certaines graminées comme les panics, sétaires et digitaires, détaille Coline Sicaud, cheffe marché oléoprotéagineux chez Bayer. Vue la tendance, son efficacité par temps sec est un autre atout. »
Tension sur l’appro en herbicides, un paramètre-clé
Un autre paramètre, moins technique, devrait avoir son influence sur le marché en 2023. Les tensions qui pèsent sur l’approvisionnement sont relevées dans toutes les zones de production. « C’est du jamais vu, et cela ne concerne pas que le tournesol », commente François Décamps. Si, côté firmes, la tendance est à la prudence sur un sujet épineux, Bertrand Boulet estime que « Certis Belchim pourra, à son échelle, accompagner le développement des hectares de tournesols ». Chez Adama, Amandine Deyrieux se veut même confiante : « Nous serons prêts en 2023, et comptons bien reprendre des parts de marché. »
Si certains observateurs estiment que le marché devrait globalement limiter les dégâts, grâce notamment à un vase communicant avec les solutions autorisées également sur maïs, la distribution se prépare à ne pas pouvoir tout proposer. « Certains fournisseurs ont du mal à répondre à la demande, ce qui limite la possibilité de diversifier les solutions », note Vincent Beaunée, chez Area. « La logique du Plan B va être inévitable pour certains produits », confirme François Décamps pour Val de Gascogne.
Des nouveautés à venir
L’Arylex à base d’halauxifen-methyl, proposé par Corteva et actuellement en attente d’homologation, devrait animer le marché dans les années à venir de par son efficacité sur ambroisie, selon l’institut technique Terres Inovia. Du côté d’Adama, Sunbright, associant imazamox et aclonifen en post-levée, est attendu pour 2023, mais la firme vise a priori 2024 pour un véritable lancement. Elle espère aussi, pour 2024, une innovation « associant la pendiméthaline et une matière aujourd’hui inutilisée sur tournesol », selon Amandine Deyrieux. Elle sera applicable en prélevée et « économique, pour ne pas engager trop de frais et ménager la possibilité d’une post-levée complémentaire ».