Timac Agro s’intéresse à la fertilité électrique des sols
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Combiner la régulation du pH et de la fertilité électrique des sols. Telle est l’ambition de Timac Agro France, qui présentait, le 16 novembre 2022, son nouvel amendement Energeo. Le sujet, encore assez méconnu sur le terrain, va nécessiter beaucoup de pédagogie.
« Nous avons posé les premières pierres d’une nouvelle base de l’agronomie, nous espérons maintenant que ce sujet va prendre de l’ampleur », assure Florent Cappe, directeur général de Timac Agro France. Le groupe organisait, le 16 novembre, à son siège à Saint-Malo, une présentation de son nouveau produit, Energeo. Cet amendement a pour but de rééquilibrer à la fois le pH et le potentiel redox des sols, autrement dit leur fertilité électrique. En effet, si le potentiel redox d’un sol est trop élevé, ce dernier est oxydé, ce qui est néfaste pour sa santé, tout comme peut l’être un mauvais pH. Un concept encore relativement méconnu, bien que le nombre de recherches sur le sujet connaisse une certaine croissance depuis quelques dizaines d’années. « Le pH et le redox sont des notions qui vont de pair, à aborder conjointement, plaide Pierre-Yves Tourlière, responsable développement produits chez Timac Agro France. Nous sommes persuadés que demain, le redox sera le quatrième pilier de la fertilité des sols, à côté des fertilités physique, chimique et biologique. »
Le potentiel redox, kézako ?
Via le mécanisme de la photosynthèse, le sol est chargé en électrons. C’est ce qui est appelée la fertilité électrique. Cette énergie est stockée par le sol, qui y a recours en fonction de ses besoins. C’est le potentiel redox. Si ce dernier est trop élevé, le sol est oxydé, s’il est trop faible, le sol est réduit, ce qui pertube le fonctionnement des sols et peut nuire à leur productivité.
Réalisation d’une première cartographie de l’oxydation des sols
Reste à savoir quand il est nécessaire de chercher à réguler le potentiel redox des sols. S’il est aisé de trouver des références et des cartographies du pH des sols français, aucune n’existe sur le sujet. Pour y voir plus clair, Timac Agro France a analysé près de 600 sols pour créer une première carte. « Le constat est que nos sols sont moyennement à fortement oxydés, c’est-à-dire que leur potentiel redox est trop élevé, ce qui peut déséquilibrer leur fonctionnement, indique Sylvain Pluchon. Nous avons défini un optimum de ce potentiel à 400 millivolts, au-dessus duquel les sols sont oxydés. C’est la conséquence de pratiques agricoles comme le labour, qui aère les sols, l’apport de nitrates via les engrais, le recours aux herbicides, ou encore de conditions pédoclimatiques comme les sécheresses. C’est le cas pour tous les bassins de production, indépendamment du pH des sols. Notre objectif est donc de ramener ces sols oxydés vers l’optimum défini. »
Mise au point d’un outil prédictif
Cette carte a permis à Timac Agro de réaliser l’ébauche d’un outil prospectif. Les analyses de sols ne portaient en effet pas uniquement sur le potentiel redox mais sur un panel de sept critères. Passées au crible d’une intelligence artificielle, ces données permettent d’esquisser des tendances sur le poids et le lien entre les différents critères dans le calcul du potentiel redox d’un sol. Un risque faible, moyen ou élevé est ensuite attribué. « Les prédictions sont fiables à 90 %, assure Pierre-Yves Tourlière. Nous devons néanmoins encore éprouver ce modèle pendant la prochaine campagne. »
Déplafonnage de la croissance des plantes
Les prochains mois seront essentiels à la diffusion et l’explication de ce nouveau produit. « Il va nous falloir déployer beaucoup de pédagogie pour expliquer cet optimum, souligne Sylvain Pluchon, directeur R&D nutrition végétale chez Timac Agro France. » Pour cela, le groupe compte sur les résultats de plusieurs essais menés au sein de son Centre mondial de l’innovation. « L’allocation carbone est le pilier fondamental de l’explication des bénéfices liés à Energeo, car elle permet au carbone de se focaliser sur la plante, et non sur la régulation du redox », précise Pierre-Yves Tourlière. Les tests menés ont démontré une croissance foliaire deux fois plus importante au stade végétatif du blé, une augmentation de 33 % de l’activité microbienne, une diminution de 13 % des émissions de protoxyde d’azote ou encore une baisse de 15 % du développement de champignons type Fusarium. Les rendements en protéines ont également été boostés de 33 %.
Développer d’autres supports
Timac Agro France, qui lance la phase commerciale de son produit, souhaite également, au cours des prochains mois, éprouver son outil de prédiction, via la réalisation de nouveaux diagnostics. Le groupe réfléchit également à développer la technologie au cœur d’Energeo pour d’autres supports, comme les amendements organiques, sous forme de bouchons.
Une technologie brevetée
Pour parvenir à réguler le potentiel Redox des sols, Timac Agro France a développé une technologie, brevetée par le groupe, dénommée ARM (Active Redox Multisites), couplé, au sein d’Energeo, à l’amendement Calcimer, déjà proposé par le groupe pour réguler le pH. Deux versions du produit, pour sols acides ou alcalins, ont reçu leur homologation en septembre 2022. La dose recommandée est de 1t/ha à appliquer en une fois pour trois ans, pour les sols les plus oxydés, ou 600 kg deux années de suite pour les sols moyennement oxydés, lors de la préparation des sols. Le produit est applicable en conventionnel et en bio et est notamment destiné aux grandes cultures. Quant aux prix, Timac Agro n’a pas communiqué de chiffres, mais insiste sur la rentabilité du produit, via les gains de productions obtenus lors des tests.