Bien-être animal et signes de qualité, la filière porcine analyse les attentes des consommateurs
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« Face aux attaques subies par la filière, nous vous proposons une mise en débat objective, pour que vous vous saisissiez de ces enjeux », a indiqué Stéphane Gourault, directeur général de l’Institut français du porc (Ifip), le 3 décembre à Paris. Il s’exprimait lors d’une journée d’échange organisée par l’Ifip sur le thème « Évolutions des marchés et des attentes sociétales : quelles transitions dans les élevages et les filières ». Objectif : faire prendre conscience aux acteurs de la filière des défis à relever au cours des prochaines années.
Le recul de la consommation de viande n’est pas le moindre : -12 % entre 2009 et 2016, et -20 % en ce qui concerne la seule charcuterie, selon le Credoc (1). Une tendance alimentée par le vieillissement de la population et l’inquiétude de plus en plus prégnante des consommateurs au sujet de leur alimentation. « 74 % des Français estiment que l’alimentation est une source de risques. C’est 16 points de plus par rapport à il y a 20 ans, alors qu’il y a très peu de cas d’intoxication alimentaire », rappelle Pascale Hebel, directrice du pôle consommation et entreprise du Credoc.
Bio et label rouge peinent à se développer
Autre tendance forte, celle de la prise en compte de l’environnement dans les réflexions liées à l’alimentation. « C’est inédit : la dégradation de l’environnement est le facteur qui préoccupe le plus les consommateurs. Il gagne 14 points entre 2017 et 2019. Ce sujet de l’écologie, porté notamment par les plus jeunes, devrait perdurer », prévient Pascale Hebel. Si le bio est l’un des vecteurs de confiance pour les consommateurs, le déséquilibre est grand entre l’offre et la demande. « Le marché standard représente 95 % des volumes, explique Boris Duflot, directeur du pôle économie de l’Ifip. Le Label Rouge pèse pour 4 %. Quant au bio, malgré un bond de 40 % en 2017, il est encore sous les 1 %, notamment en raison de la plus faible diversité de débouchés. Il y a une forte demande sur le jambon, mais peut-on développer une démarche sur une seule pièce ? »
L’étiquetage des modes d’élevage
Pour rassurer le consommateur, la question d’un étiquetage plus précis des produits issus de l’élevage se pose. Mandaté par le gouvernement, le Conseil national de l’alimentation définit actuellement les contours d’une expérimentation sur l’étiquetage des modes d’élevage . Un sondage réalisé en 2018 pour le LIT Ouesterel mesure l’impact d’un label portant sur le bien-être animal. Selon ses résultats, 64 % des consommateurs seraient prêts à payer pour des produits labellisés « BEA et santé ».
« Les critères dominants à l’acte d’achat pour toutes les viandes sont le prix et l’origine France. Les signes de qualité sont sur la troisième marche pour le jambon », souligne Elsa Delanoue, sociologue à l’IFIP-Itavi-Idele. Celle-ci décrypte l’ampleur du défi à relever pour répondre aux inquiétudes multiples des consommateurs. « Il est difficile d’apporter une réponse globale. D’un point de vue sanitaire, il vaut mieux avoir un élevage fermé mais ce modèle est remis en question aujourd’hui par les enjeux montants de bien-être animal. » La communication auprès du grand public est une composante essentielle de la réponse. Selon le sondage du LIT Ouesterel, plus les personnes interrogées disent bien connaître le secteur, plus elles s’en disent satisfaites.
BEA, la Cooperl teste des bâtiments
Tous les consommateurs ne sont pas sensibles aux thématiques environnementales ou de bien-être animal. « Mais la pression sociétale est lourde et pourrait amener à des évolutions réglementaires », assure Christine Roguet, économiste à l’Ifip. Sur cette question, des travaux sont menés pour construire des nouveaux modèles de conduite d’élevage, plus respectueux du bien-être des animaux. La Cooperl teste ainsi un prototype de bâtiment dans les Côtes-d’Armor. « C’est le fruit de deux ans de réflexion. Il y a deux espaces de vie, pour l’activité et le repos. La surface nécessaire au repos est 84 % supérieur à un système conventionnel. La lumière est naturelle et les déjections sont valorisées via l’épandage ou dans de la méthanisation », explique Mickaël Benoît, éleveur et administrateur Cooperl.
De nombreux investissements seront nécessaires pour construire ou adapter les bâtiments d’élevage à ces nouveaux enjeux. Mais aussi financer la surveillance de cochons qui n’auraient par la queue coupée, ou de truies en maternité libre pour qu’elles n’écrasent pas leurs petits, par exemple. « Nous devons encore récolter des données pour identifier des leviers d’actions », résume Sandrine Espagnol, ingénieure environnement à l’Ifip.
(1) Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie