Bilan de santé Pac : éleveurs qui rient, céréaliers qui pleurent
Le
Prendre aux uns pour redonner aux autres. Michel Barnier a décidé le 23 février de réorienter à partir de 2010 près de 1,4 milliard d’euros, soit 18 % des aides directes reçues par les agriculteurs, pour aider les productions agricoles en difficulté. Les céréaliers, principaux bénéficiaires jusque-là de la Politique agricole commune (Pac), devront mettre la main à la poche pour aider les éleveurs.
« C’est une réorientation ambitieuse et raisonnable », a souligné le ministre de l’Agriculture et de la Pêche. De fait, la réforme proposée par Michel Barnier permettra une « réduction significative » des écarts entre les aides perçues par les exploitations. « Désormais une exploitation sur deux touchera une aide comprise entre 250 et 300 euros l’hectare », a précisé le ministre.
La production herbagère (45 % de la surface agricole nationale) est la principale bénéficiaire de ce plan. Près d'1 milliard d’euros sont ainsi mobilisés pour créer, à hauteur de 700 millions d’euros, un soutien spécifique aux surfaces en herbe consacrées à l’élevage et pour préserver, à hauteur de 240 millions d’euros, la prime herbagère agroenvironnementale (PHAE). J.P.
Photo : Michel Barnier sur le stand bonnes pratiques agricoles au Sima.
Deuxième objectif, rééquilibrer le soutien en faveur de productions structurellement fragiles : le lait de montagne (45 millions d’euros) ou encore l’élevage d’ovins et de caprins (135 millions). Comme prévu, l’agriculture biologique a obtenu un coup de pouce avec une enveloppe de 57 millions d’euros. Le lancement d’un plan de production de protéines végétales « nationales » (pois, luzerne,…) sera doté de 40 millions d’euros. Enfin, un fonds d’assurance pour les aléas climatiques (100 millions) et un fonds sanitaire (40 millions) seront mis en place.
Cette mini-réforme doit permettre à l’agriculture française de « s’adapter dans la perspective de la renégociation du budget de la Pac en 2013, une échéance particulièrement difficile pour les Français alors que nombre de pays souhaitent réduire le budget dédié au soutien de l’agriculture », a expliqué Michel Barnier.
Les réactions aux annonces du ministre ne se sont pas faites attendre. « Certaines attentes ont été satisfaites, mais des craintes n’ont pas été levées », a commenté Jean-Michel Lemétayer. Le président de la FNSEA a demandé « un bilan de santé national à l’automne 2010 » pour faire le point sur la réforme. Il a en outre fait remarquer que « personne n’était en mesure de dire quel sera l’état des marchés agricoles en 2010 ».
La Confédération paysanne a de son côté fait part de sa satisfaction du soutien à l’élevage, particulièrement aux ovins, une filière que ce syndicat a toujours défendue.
Luc Guyau, président des chambres d’Agriculture a accueilli positivement les choix de Michel Barnier qui « rejoignent dans les grandes lignes les orientations arrêtées par nos élus fin 2008. Toutefois, Luc Guyau pointe « l’oubli de certaines productions, telles que les légumes hors contrat, les fruits et la viticulture ».
Les plus déçus sont évidemment les céréaliers. Pour Philippe Pinta, président d'Orama, ces « positions très brutales menacent l’avenir et ne préparent pas du tout 2013. Il pourrait résulter jusqu’à 50 % d’amputation du revenu des exploitations de grandes cultures ». Les céréaliers estiment surtout que le gouvernement n’a pas pris en compte la situation actuelle du marché des céréales : « Le ministre de l’Agriculture a maintenu les orientations qu’il s’était données en 2007 en matière de redistribution des soutiens de la PAC, lorsque la conjoncture des marchés des céréales et des oléoprotéagineux était exceptionnellement favorable. Or, la situation sur ces marchés s’est diamétralement inversée. Prétendre dans ces conditions que les choix annoncés par le ministre demanderont un effort raisonnable au secteur des grandes cultures sonne gravement faux » estiment-ils. Orama demande solennellement au Gouvernement de subordonner toute décision définitive à un examen préalable et approfondi de la situation économique et financière des exploitations de grandes cultures.