Céréales françaises : des clients fidèles… un atout à double tranchant
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En ouverture des dixièmes rencontres France Export Céréales du 20 mars à Paris, Philippe Heusele le président décrit l’actuelle campagne d’exportation comme « satisfaisante, avec une bonne qualité, des rendements moyens mais corrects et une remontée des cours… » Mais attention au trompe-l’œil ! « Il y a une moindre concurrence de nos voisins au sein de l’Union européenne et l’Algérie occupe une forte place dans nos exports », souligne-t-il. L’export français vers les pays tiers s’est au fil des années concentré vers ce pays.
Exportations blé tendre : sans l’Algérie, des volumes divisés par deux vers les pays tiers
« Entre 1998 et 2008, 20 % de nos exports de blé tendre étaient destinés à l’Algérie. Entre 2008-2018, ce chiffre a doublé », souligne Roland Guiragossian, en charge de l’Algérie chez France Export Céréales. Si la France reste le premier fournisseur de l’OAIC, l’office public algérien, sa part de marché s’amenuise. Elle est passée de 86 à 66 % en moins de 10 ans. D’autant plus que des menaces pèsent sur ce débouché privilégié : arrivée éminente de l’origine russe dans les cahiers des charges, révision possible de la politique de subvention pour l’achat de pain qui pourrait réduire les importations algériennes de blé tendre…
Même constat dans l’espace intra-communautaire avec la Belgique. « Historiquement, la France et l’Allemagne représentaient chacune un tiers de notre approvisionnement de blé meunier. Aujourd’hui, l’Allemagne couvre 80 % de nos besoins », cite en exemple Geert Parmentier, des moulins belges Dossche Mills. « Doit-on aller sur tous les marchés en croissance ou privilégier les marchés où la France est bien implantée », questionne Rémi Haquin, président du conseil spécialisé céréales de France AgriMer. Et de poursuivre, concernant l’Algérie : « Est-ce une force ou une faiblesse ? Car si demains, d’autres acteurs arrivent sur ce marché, nous aurons du mal à nous retourner ».
Qualité : encore à la traine par rapport à la Mer noire
La France peine encore à challenger les blés de la Mer Noire sur certains critères techniques. « Pour le marché marocain, le blé français est un blé moyen, un blé de base que lequel on va travailler et compléter avec un blé de Mer Noire. Mais en Guinée, les boulangers sont moins expérimentés, font moins de mélanges et demandent de la farine à très fort taux de protéines. Ils achètent donc des blés de meilleures qualités. Même avec 5€ de différence en faveur du blé français, les acteurs vont privilégier l’origine Mer Noire », souligne Omar Yacoubi, directeur général de Moulins d’Afrique en Guinée et Moulins Lahlal au Maroc.
Besoin d’une offre différenciée
La France pourrait sortir du lot en jouant la carte de la différenciation et de la traçabilité. « Nous avons besoin de plus d’informations et de classification sur les blés que nous achetons », souhaite Omar Yacoubi. Les clients, surtout africains, sont demandeurs d’une offre différenciée. « Certains paramètres, comme la qualité et le service, deviennent un moyen de différenciation, parfois prépondérant dans l’achat. Les clients souhaitent plus de segmentation dans la farine », indique Guillaume Jacquet, directeur de SGMC au Cameroun.