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Après des semis au compte-goutte, la campagne d’appro s’enlise

Le | Cooperatives-negoces

Dame nature n’en finit pas de faire des siennes. Depuis le mois de septembre, la pluviométrie bat des records dans la plupart des régions du territoire, notamment dans le grand Ouest. Les surfaces de céréales d’automne sont en net recul. La note pourrait s’alourdir car les plantes, actuellement en terre, n’ont pas toutes bonne mine. Les sols sont gorgés d’eau, compliquant désormais les premiers semis de printemps. La campagne d’appro est également chamboulée : celle des semences bien sûr, mais également celle des engrais et des phytos, à commencer par les programmes de désherbage. Le point chez Valfrance (60), GN Solutions (56), Cavac (85) et Océalia (16).

Cavac (85), Jean-Luc Lespinas, responsable du service agronomie

« La situation actuelle est catastrophique »

« Du jamais vu. À peine 70 % des blés tendres ont pu être semés et sur cette sole, à peine 20 % sont à leur optimum de rendement, constate Jean-Luc Lespinas, responsable du service agronomie de Cavac (85). À date, aucun blé dur n’est encore semé et les prévisions météo, avec le retour des pluies dès ce week-end, ne sont pas optimistes. Depuis le 20 septembre, le cumul de pluie atteint 750 mm. Il pleut quasiment tous les jours depuis quatre mois. Les sols sont gorgés d’eau, pénalisant l’enracinement des cultures. Les blés tallent peu et le nombre d’épis au m2 est faible. La collecte sera en très forte baisse. Autre conséquence : la gestion du désherbage. Les traitements n’ont pas pu être faits dans les temps. La gestion des stocks est compliquée. Nous avons repris les programmes d’automne puis ceux d’hiver. La gestion des graminées, uniquement avec des solutions de post-levée, risque d’être très compliquée… d’autant que les spécialités risquent de manquer face à la demande grandissante. Et la question que se posent les agriculteurs : que semer sur les hectares laissés libres par les cultures d’automne ? Du tournesol ? Il n’y a plus de semences. Du maïs ? Oui, mais sans irrigation, le risque est grand si l’été s’avère très sec. »

Valfrance (60), Hugues Desmet, responsable de la collecte

« Au moins 10 % de blés en moins »

« À ce jour, près de 10 % des surfaces de blé n’ont pas été semés mais vu l’état de certaines parcelles, le recul de la sole pourrait, au final, être bien supérieur. Certaines cultures sont plaquées au sol : on se demande comment elles pourraient aller au bout de leur cycle, même si le blé a une très forte capacité de rattrapage ! Les sols sont encore bien imbibés et quelques parcelles, en bord de Marne, commencent à être inondées. La sole de maïs et d’orge de printemps devrait augmenter, mais pour cette dernière, aucun hectare n’a pu encore être semé. Il est impossible de rentrer dans les champs ».

GN Solutions (56), Frédéric Gaudin, directeur

« Cette campagne ? Un Tétris permanent ! »

« Dans le Morbihan, entre 80 et 85 % des hectares ont pu être semés. Certains l’ont été en janvier, avec des blés alternatifs. Mais pour 10 à 15 % des hectares, le nombre de pieds est bien insuffisant : pas plus de 130 au m2. Dans ce département, l’heure est encore aux derniers arrachages de pommes de terre ! L’enjeu est désormais de libérer les parcelles. En Ille-et-Vilaine, constat identique même si une plus grande surface a pu être emblavée. Mais 10 à 15 % des hectares, mal en point, devraient être retournés pour implanter de l’orge de printemps. Dans les Côtes-d’Armor, la situation s’annonce plus préoccupante : dans certaines zones, à peine 60 % des semis d’automne ont été réalisés. Cette campagne d’appro est un Tétris permanent. Nous jonglons sans cesse entre des ajustements de gammes de semences et de spécialités phytosanitaires ».

Océalia (16), Philippe Merle, responsable collecte

« Appro tendu en engrais et herbicides »

« Le constat est sans appel : nous sommes cette année sur les 2/3 d’une sole « normale » pour les blés tendres. Et malheureusement, les cultures levées ne sont pas toutes en forme. Les situations s’avèrent très disparates en fonction du type de sol. Dans les terres de groies légères, les cultures sont en place, bien implantées. À l’inverse, dans les terres rouges, plus profondes, c’est plus compliqué. Les blés en terre sont à la peine. Même constat en blé dur même si tous les hectares prévus sont désormais semés. La collecte de céréales d’automne devrait nettement reculer d’autant que les prévisions d’emblavement pour le blé dur ont reculé de 20 % en un an et de près de 40 % pour les orges d’hiver. Tous les espoirs se tournent désormais vers les cultures de printemps, à commencer par les orges. Cette campagne atypique a un impact énorme sur les approvisionnements. Nous avons bien sûr accepté les retours des semences et des phytos non utilisés. La gestion des stocks est tendue : celle de la disponibilité des spécialités de printemps également, notamment pour les herbicides et les engrais. L’assolement évoluant, les gammes de spécialités doivent suivre ».