Assemblée générale d’InVivo : la régulation des marchés en question
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« La crise la plus sévère que l’on ait connue depuis 1929… ». Daniel Cohen, économiste de renom, introduit ainsi la table-ronde organisée par l’union nationale des coopératives InVivo le 28 janvier, en clôture à son assemblée générale. Il allait ensuite expliquer ce qui différencie la crise actuelle et s’attacher, avec les autres intervenants, à isoler les facteurs spécifiques à l’agriculture.
Deux différences majeures entre 1929 et 2008 : les Etats sont globalement intervenus pour limiter l’impact de la crise sur le secteur bancaire et ils ont maintenu les échanges internationaux. Quant à l’avenir, deux scénarii sont
envisageables pour Daniel Cohen. Le premier, possible à 60 % : le gros de la crise est passé, et l’indice de croissance redevient légèrement positif fin 2009, en Europe comme aux Etats-Unis. Le second est plus pessimiste : la crise a été sous-estimée, l’endettement des ménages aux Etats-Unis continue de plomber l’économie… et tout le monde plonge.
Le cadre général une fois posé, la place de l’agriculture a été détaillée. « Un bien public mondial », a résumé Jacques Carles, délégué général du Momagri, qui plaide pour une organisation spécifique des marchés agricoles. C.D.
Photos : Michel Fosseprez (photo de gauche) et Patrice Gollier (à droite) lors de l’assemblée générale d’InVivo.
« La volatilité des cours n’est pas intégrée dans les grands schémas des marchés internationaux, ce qui fausse les prises de décision de l’OMC, de la FAO ou encore de l’OCDE ». Le Momagri travaille à un modèle plus sophistiqué que ceux qui fonctionnent depuis des décennies. Il préconise aussi un système de fixation des prix par grandes zones dans le monde.
Et c’est là où le bât blesse. Si tous les intervenants admettent une forte volatilité des cours à l’intérieur d’un marché soutenu par une demande mondiale en hausse, leurs avis divergent sur les moyens à mettre en œuvre pour limiter les conséquences de cette volatilité. La variabilité peut être gérée par les acteurs économiques, et notamment les coopératives. Elle est aussi du ressort des pouvoirs publics, via par exemple la constitution de stocks régulateurs par l’Union européenne. Ou encore du domaine du privé, par des mécanismes d’assurance. Des solutions présentées par Jean-Christophe Debar, directeur de Pluriagri.
Sylvie Brunel, géographe et économiste, a apporté un éclairage particulier, en focalisant son intervention sur l’impact des prix sur les économies locales. « Lorsque les prix sont élevés, on constate une remobilisation de la production ». Les terres et les moyens de produire plus existent, mais ne sont pas utilisés faute de financements, autant pour les intrants que pour la formation des agriculteurs, particulièrement dans les pays en voie de développement, a-t-elle rappelé, dénonçant au passage « l’apologie d’une nature idéalisée dans des sociétés comme la nôtre ».
« On ne peut pas lutter contre les tendances, a souligné Daniel Cohen, mais contre les écarts. Ce que l’on peut faire, c’est donner de la prévisibilité à ces ruptures de tendances ». En adoptant des systèmes de régulation basés sur des moyennes mobiles sur cinq années, par exemple. « Il est urgent de se mettre d’accord sur ces dispositifs », estime-t-il. Un débat qui ne peut être tranché que par les politiques.