Au Sommet de l’élevage, la résilience face à l’inquiétude
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Manque de fourrages, marchés tendus, crise énergétique…La visibilité manque aux distributeurs rencontrés lors du Sommet de l’élevage qui s’est tenu à Cournon d’Auvergne du 4 au 7 octobre. Heureusement, la hausse des prix de vente de la viande a permis de ménager les trésoreries. Les projets d’indépendance énergétique reviennent sur la table des discussions, même si cela ne constitue pas une réponse immédiate. À court-terme, les attentes se tournent vers le Gouvernement et les actions visent l’autonomie.
Passer le cap. Après les tensions sur les appros et la sécheresse, les distributeurs présents au Sommet de l’élevage, du 4 au 7 octobre à Cournon d’Auvergne, s’apprêtent à faire face à un mur : celui de la hausse des prix de l’énergie. « Le surcoût énergétique est du même ordre de grandeur que notre résultat économique, témoigne François Lebourg, directeur de la SicaBB. Nous regardons comment nous pouvons réduire les frais de séchage, mais nos marges de manœuvre sont faibles car le travail de sobriété a été déjà fait. » Une énergie quatre, cinq, six fois plus chère en moyenne. Mais qui cache de grandes disparités. « Entre décembre 2021 et janvier 2023, pour certains industriels c’est un facteur 10 qui s’applique, avertit Nicolas Lecat, directeur général de RAGT Plateau Central. Et, pour l’instant, nous ne sommes pas considérés par le Gouvernement comme des industries prioritaires, contrairement à la période Covid. » Des négociations sont en cours au niveau français et européen pour obtenir des mécanismes de sécurité au niveau des prix. Les espoirs se tournent vers un bouclier tarifaire.
Anticiper dans un brouillard certain
Sur le marché des matières premières, la tension ne faiblit pas, même si une certaine stabilisation peut s’observer par rapport au printemps. « La situation reste compliquée, déclare Bertrand Relave, directeur général du groupe Eurea. Il est difficile de se positionner dans la durée avec cette volatilité, ce qui complexifie les discussions dans les secteurs de la meunerie et de l’alimentation animale. » Difficile d’anticiper dans un brouillard certain. « Nous ne savons plus quel est le bon moment pour acheter les appros, confie Pascal Rousseau, chargé du pôle élevage chez Océalia. Ce ne sont plus les mêmes repères, tout peut être remis en cause. » Le croisement des conjonctures économique et énergétique laisse notamment craindre une forte réduction de la disponibilité en produits déshydratés cet automne, utilisés pour faire face au manque de fourrages.
Les approvisionnements en engrais et en produits phytosanitaires inquiètent aussi les distributeurs. « Nous prenons de plus en plus d’avance afin de pouvoir lisser les prix sur le mois, explique Hubert Souchon, sous-directeur de Coopaca. Mais les risques de ruptures augmentent fortement. En santé végétale, il manque déjà des références. » L’absence de visibilité n’empêche cependant pas d’anticiper les difficultés à venir. « La crise énergétique impacte la couverture en engrais azotés et nous n’avons aucune perspective d’accalmie avant le printemps prochain », explique Jean-Luc Doneys, directeur division agriculture du groupe Altitude, avant de préciser qu’il existe une « menace sur l’approvisionnement en semences maïs et fourragères pour l’année prochaine », due à l’impact de la sécheresse.
Autonomie et indépendance à toutes les échelles
Même si la hausse des prix de vente a atténué la hausse des charges, et que certains distributeurs ont pu tamponner la volatilité des prix de l’aliment, des engrais ou encore des plastiques, en travaillant notamment sur la contractualisation, les trésoreries des distributeurs et des éleveurs sont au cœur de l’attention. « En logistique, l’explosion des prix est incontournable, poursuit Jean-Luc Doneys. Nous allons la subir de plein fouet et, sans solution trouvée, nous serons obligés de la répercuter à l’agriculteur. »
Dans une telle situation, la recherche d’autonomie et d’indépendance se renforce évidemment. Sur le plan énergétique, les distributeurs ressortent ou accélèrent les projets de production locale. « Nous avons dans les tuyaux un dossier d’installation photovoltaïque avec autoconsommation, annonce Nicolas Lecat, mais c’est du moyen terme. » Les actions se portent davantage sur l’autonomie alimentaire des élevages. « Nous incitons nos adhérents à améliorer la qualité de leurs fourrages, en travaillant sur les espèces, les stades de récolte et les solutions de stockage », explique Pascal Rousseau. Même démarche pour le groupe Altitude qui propose en outre un nouveau mélange pour répondre au manque de disponibilité de produits déshydratés.
L’autonomie se travaille aussi à l’échelle territoriale avec la construction de filières locales. Alors que l’Ucal vient d’inaugurer son usine de trituration, Océalia avance sur son projet avec Alicoop et les coopératives Terra Lacta et Caveb pour triturer 7 à 8000 hectares de soja. Les fonds de la région et de France Relance ont été accordés. « Le projet est prêt, explique Anne Porchet, chargée de développement chez Soléo. Au vu de l’envolée des prix des matières premières, nous attendons que l’averse passe… » Et ainsi passer le cap.
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