Céréales 2024 : des décisions stratégiques au cœur d’une campagne difficile
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La campagne céréalière 2024 en France est marquée par une baisse significative des rendements et une qualité hétérogène des grains. Les organismes stockeurs se préparent à affronter une année difficile, qui démarre par un travail au silo majeur pour assurer les débouchés. Les producteurs devront prendre des décisions économiques pour minimiser les impacts, notamment en réduisant leurs dépenses sur les intrants.
Eureden (29) : « Les producteurs feront des choix économiques, notamment sur les intrants », Michel Le Friant, responsable métier du grain
« Aujourd’hui, 99 % des blés sont récoltés. La déception est grande, tant en quantité qu’en qualité. Ce n’est pas une bonne campagne : une petite collecte et des petits prix. Les rendements sont en baisse de 20 à 25 %, avec des diminutions de 20 quintaux par hectare, surtout dans le sud de la Bretagne. Nous allons perdre environ 100 000 tonnes de céréales, sur une collecte qui s’établit normalement autour de 800 000 tonnes. Si les PS (poids spécifiques) ne sont pas trop mauvais, les taux de protéines ne sont pas à la hauteur de la fertilisation, tournant autour de 10,5 points. Un point positif toutefois : la faible présence de mycotoxines, idéale pour l’alimentation animale. La Bretagne devra acheter en dehors de la région, et les producteurs vont faire des choix économiques en réduisant notamment leurs dépenses sur les intrants. »
Unéal (62) : « Nous serons très loin de notre collecte habituelle », Maxime Thuillier, directeur Céréales
« Nous avons terminé la moisson d’été à 98 %. Ce qui reste concerne principalement des protéagineux ou des cultures semées tardivement au printemps, peu représentatives en volume. Le rendement du blé est inférieur de 20 quintaux par rapport à d’habitude. Alors que nous atteignons habituellement 90-92 quintaux, cette année, nous sommes autour de 71. En plus, nous avions 10 % de surfaces cultivées en moins, ce qui pèse naturellement sur le volume global collecté. Il faut savoir qu’une partie est encore stockée à la ferme, mais cela représente moins de 10 % de notre collecte en blé. Habituellement, nous collectons près d’un million de tonnes de blé, mais nous en serons très loin cette année, avec plutôt un million de tonnes toutes cultures confondues. Dès le début de la campagne, nous avons identifié une problématique de PS, surtout à l’est de notre zone de collecte. Finalement, avec les pluies pendant la moisson, cette problématique s’est étendue partout. En moyenne, nous sommes en dessous de la norme, légèrement au-dessus de 75 de PS contre 77 à 78 habituellement. »
Arterris (11) : « Prendre le temps du constat des qualités et des quantités disponibles pour choisir ses options de recouvrement », Clément Roux, directeur commercialisation des grains
« Les résultats de la récolte des blés sont très décevants. La récolte de blé dur est de 166 000 tonnes en 2024 contre 179 000 tonnes l’année précédente, soit une diminution de 4 %. Celle de blé tendre s’élève à 173 000 tonnes contre 240 000 tonnes en 2023, soit une baisse de 28 %. Elle s’est achevée le 26 juillet, après s’être étalée sur un mois et demi en raison de nombreux épisodes pluvieux, alors qu’habituellement, 90 % de la collecte est faite en quinze jours.
La qualité est très hétérogène. Les PS varient de 70 à 80, et les taux de protéines sont également très contrastés : nous visons des lots à 11 % pour les blés tendres. Les lots sont significativement en dessous iront en alimentation animale. Pour les autres, nous allons discuter avec les industriels sur leur valorisation, mais ces résultats ne justifient pas des déclassements.
Nos débouchés habituels, dont une grande partie dans nos propres filiales (65 % des blés tendres, soit 110 000 t), devraient rester les mêmes. Par ailleurs, je ne perçois pas la baisse de la récolte dans le nord et le centre de la France comme un élément haussier pour nous. Cependant, il est encore trop tôt pour se prononcer : les récoltes se sont terminées tard, et les opérateurs sont partis en congés. Le marché s’est arrêté et redémarrera la semaine prochaine, où chacun fera le constat des qualités et quantités disponibles pour choisir ses options de recouvrement. Nous verrons sûrement des opportunités de marché, mais ces mouvements se font généralement en toute discrétion, chacun prenant le temps d’examiner les opportunités.
Cette situation mobilisera toutefois davantage d’allotements, donc plus de capacité de stockage et de coûts liés au travail du grain pour réaliser des lots homogènes.
Nous n’avons pas encore commencé la récolte du maïs, qui devrait débuter dans une quinzaine de jours. Les maïs non irrigués ont bénéficié des pluies estivales et s’annoncent prometteurs. »
CAL (54) : « Le travail du grain en silo va être intense », Cynthia Lescure, responsable communication et RSE
« Nous avons terminé la récolte avec presque deux semaines de retard. Nous avons encore effectué quelques coupes la semaine dernière, alors que traditionnellement, nous finissons début août. Nous avons donc pris dix jours de retard dans l’exécution des chantiers, avec une « gueule de bois » puisque, comme les autres, nous avons enregistré des baisses de volumes de -10 à -20 % selon les espèces. Nous sommes à 50-55 quintaux/hectare alors qu’habituellement, nous sommes à 65 quintaux.
En ce qui concerne la qualité, une part inhabituelle des volumes est fourragère en blé. Heureusement, nous avons pu récolter suffisamment de blé meunier pour honorer nos contrats établis avant moisson. Nous n’avons pas encore complètement affiné les chiffres, mais à l’image de la collecte française cette année, les PS et les taux de protéines sont, en moyenne, en dessous des standards habituels de 76-11. Nous avons réceptionné des blés avec des PS élevés et des taux de protéines très bas, et d’autres avec des PS très bas et des protéines élevées. Par ailleurs, dans des parcelles voisines, nous avons aussi observé des blés avec des PS élevés et des protéines élevées, ainsi que des blés avec des PS très bas et des protéines très basses. C’est vraiment du jamais vu. Le travail du grain en silo sera intense !
Nous nous attendions à un épisode relativement intense de fusariose/mycotoxines à cause des pluies pendant la floraison, mais les conditions météo ont permis de les éviter, tout comme l’ergot; c’est la bonne surprise d’une campagne qui s’annonce compliquée.
Pour le colza, les premiers chiffres étaient en retrait, mais la fin de la récolte a surpris tout le monde avec de très bons résultats en termes de rendement. Nous avons une belle collecte, avec un rendement de 30-32 quintaux par hectare, même si ce chiffre est en légère baisse par rapport à la campagne précédente. »