Céréales : exportations en sous-régime, responsabilités partagées
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Les exportations de céréales françaises n'atteignent toujours pas un rythme suffisant pour évacuer les volumes produits. Manque d'anticipation, rétention des stocks… les raisons sont multiples. Si la campagne en cours venait à être aussi importante que celle de 2015, la situation serait critique. Conscients de leurs erreurs, les organismes stockeurs comptent rectifier le tir.
« La France est un grand pays céréalier, un grand exportateur et le restera », affirmait Philippe Pinta, président d'Intercéréales lors de la conférence organisée par France export céréales le 16 mars à Paris. A condition de ne pas se laisser dépasser. La campagne en cours se caractérise par des volumes record qui peinent à s'écouler à l'étranger. Cette sous-performance s'explique en partie par le manque d'anticipation des exportateurs français. « La responsabilité est partagée, concède-t-il. Nous savions dès le mois de juillet que nous avions près de 4 Mt de céréales en plus », témoigne Jean-François Loiseau, président d'Axéréal (45). Un manque d'opportunisme qui a profité à d'autres, à l'image des pays baltes. « Eux ont très vite réalisé qu'ils avaient le double de céréales à exporter », indique Pierre Duclos du Synacomex (1). Ne pouvant aller sur leurs marchés habituels comme l'Iran, faute de protéines, ils n'ont pas hésité à partir à la conquête de marchés exigeant 11,5 % de protéine, traditionnellement couverts par les céréales françaises.
Primes négatives et rétention
Autre facteur expliquant le faible rythme d'exportation, la lecture des prix « sous le prisme de la prime », constate Pierre Duclos. « Nous n'avions jamais vu des primes à ce point négatives. Il y avait une vrai distorsion entre le prix matif et le prix physique », témoigne Philippe Vincent, directeur céréales d'Agrial (14). Face à ces prix peu incitatifs de début de campagne, opérateurs comme agriculteurs, trop frileux, ont opté pour la rétention et laissé filer certains marchés. Cette année devrait servir de leçon. « Nous devons renforcer l'accompagnement des agriculteurs dans leur stratégie commerciale en les aidant à définir leur coûts de production et à se fixer des prix d'objectifs raisonnables », assure Philippe Vincent. La logistique, la périodicité des marchés sont autant de sujets que la coopérative doit aborder avec l'adhérent.
Elargir les marchés français
Dernier levier pour améliorer la performance des exportations selon Pierre Duclos : exploiter davantage la zone de chalandise française plutôt que de chercher la facilité « qui nous tire vers le bas » avec des marchés peu exigeants. Si la Chine a « sauvé » la France ces deux dernières années en achetant des céréales pour le fourrage, rien n'assure qu'il en sera de même l'an prochain. « C'est une sécurité mais cela ne doit pas constituer la pierre angulaire de notre stratégie », assure-t-il. D'autant que ce marché dépend fortement du coût du fret.
La protéine, encore et toujours
Déjà présente sur les appels d'offre de Gasc en Egypte, la France aurait à gagner à se positionner auprès des acheteurs privésde ce pays qui montent en puissance. La France exporte aujourd'hui environ 11,3 Mt vers les pays tiers et aurait le potentiel d'en exporter près de 2 Mt de plus. Sur ces marchés concurrencés, reste un facteur limitant : le taux de protéine. Une partie de la production française pourrait d'ores et déjà répondre aux exigences de ces pays, mais elle doit être mieux identifiée et non noyée dans la masse. De manière globale, c'est toute la production française qui gagne à être tirée vers le haut. Les coopératives y travaillent. En témoigne la coopérative Sévépi où « 50 % des parcelles sont suivies via des OAD », assure Jean-Baptiste Hue, directeur général de la coopérative, et où des grilles tarifaires sont instaurées en fonction du taux de protéines pour encourager les agriculteurs.
(1) Syndicat national du commerce d'exportation des céréales
Photo : Pierre Declos du Synacomex et Jean-Baptiste Hue, DG de Sévépi