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Chartes riverains, quel rôle jouent les coopératives et les négoces ?

Le | Cooperatives-negoces

Alors que le gouvernement a promis de dévoiler, d’ici à la fin du mois, la distance retenue pour les zones de non traitement (ZNT), les chartes de bon voisinage se multiplient pour cadrer la question des pesticides utilisés près des habitations. Force est de constater que les coopératives et les négoces restent peu, ou pas sollicités dans la rédaction de ces documents. Ceux qui les ont signés nous expliquent l’enjeu de ces démarches, souvent bâties dans l’urgence.

Au dernier comptage, dix-neuf départements (1) bénéficiaient d’une charte de bon voisinage, visant à mettre un cadre sur la pulvérisation des pesticides près des habitations. D’un cas à l’autre, le nom et le nombre de signataires varient. Les coopératives et les négoces font parfois partie du tour de table, via notamment les antennes de COOP DE FRANCE ou de la Fédération du négoce agricole (FNA).

Une organisation différente selon les départements

En Auvergne-Rhône-Alpes, quatre chartes ont été signées. « Nous n’avons pas été sollicités, et nous ne sommes donc pas signataires », explique Jean de Balathier, directeur de Coop de France Auvergne-Rhône-Alpes. Selon lui, l’explication tient à la dimension de la structure : « Nous serions évidemment ouverts à participer, mais ces chartes sont départementales, et nous ne sommes tout simplement pas structurés à cet échelon. » Son homologue à Coop de France Occitanie, Bernard Auger, a participé aux travaux dans l’Hérault, mais n’était « pas au courant » des trois autres chartes signées dans sa région !

Dans les Hauts-de-France, Coop de France est engagée dans la charte de l’Aisne, sans avoir réellement participé aux échanges préalables. « Nous avons presque été pris de court, reconnaît Catherine Stein, sa directrice. Les signataires souhaitaient impliquer les coopératives du département. Comme il n’existe pas de structure à cet échelon, nous avons joué ce rôle. » Négoce Nord-Est a fait de même pour représenter les négoces. Pour autant, l’autre charte de la région, dans la Somme, a abouti sans les acteurs de la distribution.

L’échelle départementale colle mal aux réseaux FNA et Coop de France

« Tout dépend des réseaux locaux, résume Sylvain Hinschberger, président de Coop de France Grand-Est. Beaucoup de signataires ont l’habitude de collaborer en routine, et se connaissent. Dans la Marne, nous avons naturellement été conviés dès les premières réunions. Mais dans la Meuse, un document de préfiguration a été signé, sans Coop de France. Les chartes sont attendues pour janvier : elles se font donc souvent un peu dans l’urgence, d’où l’hétérogénéité des situations. »

En clair, tout est une question d’échelle. Localement, Coop de France est organisée par régions. « Le président de la Région, Xavier Bertrand, a lancé le concept de charte pour l’ensemble des Hauts-de-France, afin de poser un socle sur lequel pourraient s’appuyer les chartes départementales, précise Catherine Stein. Nous serons, plus naturellement, signataire de ce document. » Dans le Grand-Est, Sylvain Hinschberger se dit également intéressé par l’idée d’une démarche de région, tout en reconnaissant les difficultés que cela imposerait : « Sur cette question, le degré de maturité n’est pas le même partout. Dans la Marne, les vignobles proches d’habitations sont nombreux. Dans les Vosges ou la Meuse, l’enjeu est peut-être moins sensible. » Le réseau FNA, de son côté, se déploie sur seulement cinq zones pour l’ensemble de la France : des territoires encore plus vastes que les régions.

Un engagement plus « communication » que « technique »

Quand elles sont parties prenantes de ces chartes, à quoi s’engagent les antennes locales de Coop de France ou de FNA ? « Nous nous sommes engagés à envoyer la charte à tous nos clients et à participer à toutes les réunions qui auront lieu à la demande des signataires, en cas de question ou de problème avec des riverains », précise Bernard Goudy, adhérent de Négoce Pyrénées Méditerranée et signataire de la charte du Gers. Il affirme que conseiller ses agriculteurs dans le sens d’une utilisation responsable des pesticides est un réflexe déjà acquis. Catherine Stein confirme. « Sur le fond, ces chartes formalisent des habitudes bien établies dans la plupart de nos coopératives, notamment en termes de dialogue avec les adhérents : sur les phytos bien sûr mais également sur l’ensemble des nuisances éventuelles liées à leur activité. »

Pour Bernard Auger, dans l’Hérault, l’exercice de construction des chartes a été, en lui-même, l’occasion de commencer les échanges. « Coop de France Occitanie s’est fendue, dans ce cadre, d’un courrier à l’ensemble des maires et des parlementaires du département pour évoquer les ZNT, mais également pour leur rappeler qu’il est de leur devoir de réfléchir à ces enjeux au moment de faire construire des lotissements sur une zone agricole. »

Quel véritable poids pour les chartes ?

Une tendance se lit entre les lignes. Avec ces chartes, il s’agit moins pour les coops et les négoces de bouleverser les conseils aux exploitants que de faire des efforts de communication, pour « expliquer ce qui se fait déjà », insiste Sylvain Hinschberger. Si tous les interlocuteurs contactés espèrent que ces chartes favoriseront le dialogue et apaiseront les tensions, ils comptent avant tout sur une bonne intelligence à une échelle encore plus petite que celle du département. « En vérité, la gestion du voisinage s’opère naturellement au cas par cas, au niveau d’une coopérative par exemple », estime ainsi Catherine Stein.

Serait-ce à dire que ces chartes font beaucoup de bruit pour pas grand-chose ? Sans aller jusque-là, Sylvain Hinschberger nuance : « Il faut replacer les choses dans leur contexte. Les conflits de voisinage et quelques positions extrémistes de certains maires ont fait beaucoup de buzz médiatique. Mais ces situations restent extrêmement marginales à l’échelle du pays. » De son côté, Bernard Auger rappelle que tous les travaux menés jusqu’à présent « sont susceptibles d’évoluer avec la publication prochaine de l’arrêté et du décret gouvernementaux », prévue d’ici à la fin du mois de décembre. Une autre manière de relativiser le poids de ces chartes, du moins sous leur mouture actuelle.

(1) Seine-et-Marne, Essonne, Yvelines (Île-de-France) ; Eure-et-Loir, Loiret (Centre-Val de Loire) ; Rhône, Ain, Isère, Drôme (Auvergne-Rhône-Alpes) ; Hérault, Haute-Garonne, Gard, Gers (Occitanie) ; Côtes d’Armor (Bretagne) ; Aisne, Somme (Hauts de France) ; Marne (Grand Est) ; Charente-Maritime (Nouvelle Aquitaine) et Morbihan (Bretagne).