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Clément Masson, Soufflet Agriculture, « 40 % de la collecte de blé bio exportée, du jamais vu »

Le | Cooperatives-negoces

Les grandes cultures n’ont pas été épargnées par la crise que subit le secteur de l’agriculture biologique. Alors que l’offre était historiquement inférieure à la demande, la situation s’est inversée depuis deux campagnes. Les organismes stockeurs ont eu du mal à écouler la production de céréales bio. Trois questions à Clément Masson, responsable commercial collecte agriculture biologique chez Soufflet.

Clément Masson, Soufflet Agriculture, « 40 % de la collecte de blé bio exportée, du jamais vu »
Clément Masson, Soufflet Agriculture, « 40 % de la collecte de blé bio exportée, du jamais vu »

Référence agro : Comment le groupe Soufflet a-t-il réagi face à la baisse de la demande en céréales bio ?

Clément Masson : En 2022, face à la morosité sur le marché du bio, nous avons dû exporter 5200 tonnes de blé bio vers la Belgique, l’Allemagne et les Pays-Bas, soit 40 % de notre collecte. Du jamais vu chez Soufflet ! La collecte de céréales bio s’est élevée à 35 000 tonnes mais c’est le blé, dont la collecte avoisine les 14000 tonnes, que nous exportons le plus.

En 2023, le contexte est différent. Nous avons continué à exporter du blé mais seulement, pour l’heure, 15 % dans les pays limitrophes, à savoir les Pays-Bas, la Belgique et l’Allemagne. En effet, nous sommes moins compétitifs : les coûts de transports ont augmenté et l’écart de prix entre le bio et le conventionnel a diminué, et nous devons ajouter les coûts d’allotement et de nettoyage des cellules spécifiques au bio. En 2022, les prix oscillaient entre 350 et 400 euros la tonne de blé bio fourrager. Cette année, ils ont baissé entre 250 à 300 euros la tonne contre 230 euros en conventionnel. De plus, nous disposons seulement de trois silos en bio, situés en Lorraine, Champagne et Yonne. Alors qu’en conventionnel, nous avons un maillage plus important avec près de 200 silos. Les coûts logistiques sont donc beaucoup plus élevés en bio, et ils ne sont plus compensés par les prix.

R.A. : Comment allez-vous gérer le reste de la collecte de céréales bio ?

C. M. : Il nous reste un tiers de la collecte à vendre. L’enjeu est d’éviter les reports de stocks pour que les cours reprennent. En France, nous estimons à plus de 130 000 tonnes de blés bios qui n’ont pas encore trouvé de débouché. La question se pose à tous les organismes stockeurs d’exporter ou de déclasser pour ne pas avoir de stocks et repartir sur une base saine. Nous prévoyons de déclasser entre 10 et 20 % de nos blés bio.

Les acheteurs restent prudents. Lorsqu’ils ont un contrat cadre de 1000 tonnes, ils achètent 500 tonnes aujourd’hui et le reste, seulement, si besoin. Nous sommes actuellement en surproduction mais nous sommes obligés de nous adapter aux contraintes de nos acheteurs avec qui nous travaillons en partenariat depuis plusieurs années.

R.A. : Quelle est votre stratégie à plus long terme ?

C.M. : Difficile de savoir comment le secteur du bio va évoluer. Toutefois, pour 2024, nous souhaitons conserver les surfaces en bio mais en diversifiant les assolements, avec du pois chiche, des lentilles, ou encore du lin bio. Nous essayons de diminuer la part des blés et des orges dont le marché est engorgé. Nous n’avons pas fixé d’objectifs de diversification mais nous encourageons les commerciaux à pousser vers ces nouvelles cultures. Afin d’aider les agriculteurs à prendre le moins de risque possible, nous étudions le potentiel des cultures les moins connues grâce à notre service technique. Par exemple cette année, nous avons testé le lin oléagineux. Ces cultures sont rentables, nous avons des clients demandeurs et, face à la volatilité des cours des céréales, elles permettent de sécuriser les revenus.