Référence agro

Conseil ou vente ? Ils ont déjà choisi

Le | Cooperatives-negoces

L’heure de la séparation de la vente et du conseil lié aux phytos n’a pas encore sonné et pourtant, certaines entreprises ont déjà clairement affiché leur choix. Le pragmatisme économique fait bouger les lignes et beaucoup optent, finalement, pour la vente. Quelques irréductibles souhaitent conserver le conseil. Et si la subtilité de ce dossier se jouait sur les mots ? Accompagner ses clients ou adhérents, est-ce les conseiller ? Certains pensent que la publication des textes définitifs facilitera leur prise de décision. Pas sûr. Celle-ci doit avant tout se prendre en définissant le modèle économique de demain pour sa propre entreprise. La question à se poser : puis-je me passer des marges liées à la vente des produits ?

nous confiait que « la survie de la coopérative ne dépendait pas de la vente des phytos », BOURGOGNE DU SUD propose déjà des contrats de services personnalisés à ses adhérents.

Du conseil… à la vente, par défaut

Dans le monde du négoce, difficile de trouver une entreprise qui souhaite conserver le conseil ! Certains s’étaient pourtant positionnés pour, il y a quelques mois. C’est le cas des Ets Bresson, implantés en Côte-d’Or. « Il y a un an, je penchais effectivement plutôt vers le conseil, confirme Catherine Racle, la directrice générale. Accompagner les agriculteurs, développer des outils… c’est notre raison d’être, notamment pour les filières de haute qualité, comme les blés CRC. Mais la vente d’intrants pèse près de 12 M€ sur les 45 M€ de chiffre d’affaires de notre négoce. La réalité économique est là. Les textes ne sont pas finalisés et leur compréhension peut encore évoluer. Alors, comme beaucoup, j’attends. »

Impossible de concilier les agréments applicateur et conseiller

Le négoce Convertgence (87) a, lui aussi, fait évoluer sa réflexion. « Si notre premier choix était de conserver le conseil - nous sommes davantage des conseillers que des logisticiens purs -, l’investissement, il y a deux ans, dans une unité de triage de semences de céréales nous impose de revoir notre choix, explique Mathias Angleys, le gérant de l’entreprise. Cette activité a connu une belle progression mais malheureusement, l’agrément « applicateur » qui y est lié, est incompatible avec l’agrément « conseiller ». Par défaut, je me sens donc contraint de conserver la vente alors que les phytos ne représentent que 6 à 8 % des 2 M€ de chiffre d’affaires de mon négoce. Nous sommes en zone d’élevage et le suivi des cultures n’est pas la priorité des éleveurs. Qui leur apportera ce conseil ? Nous, nous avons l’expertise et la connaissance des exploitations. »

Un conseil oral, sans prescription écrite ?

Et puis, il y a les pragmatiques. Ceux qui se positionnent pour la vente sans pour autant s’interdire « l’accompagnement des agriculteurs », dans le respect de la loi. Accompagner ? Conseiller ? Ou se situe la limite tant qu’il n’y a pas de prescription écrite ? Ne l’oublions pas : si le conseil stratégique (deux tous les cinq ans) est obligatoire, le conseil spécifique (la prescription de produit à la parcelle) au fil de la campagne ne l’est pas. Difficile donc de distinguer une prescription orale d’une information ou d’un conseil surtout si celui-ci s’est fait en bout de champ, de façon non écrite et donc, non engageante. Ceci repositionne un autre point capital : chaque agriculteur utilisateur de produits phytosanitaires doit être en possession d’un Certiphyto. Ce document lui donne non seulement le droit d’utiliser le produit mais le rend responsable de sa bonne utilisation. Dès qu’il y a Certiphyto, l’agriculteur prend en quelque sorte sa prescription en main. La question de la responsabilité en cas de litige ne se pose alors plus.

Un modèle juridique à construire

Concilier les deux activités semble pourtant bel et bien possible. Michel Clairefond, le directeur général de TERRES DU SUD, nous l’avait confié en octobre dernier. « Nous travaillons sur une solution juridique qui nous permettrait de concilier les deux activités en créant une structure avec d’autres OP régionales. » Le projet, non encore dévoilé, semble prendre forme, à l’échelle territoriale.

Quant à la parution des textes définitifs, aucune date n’est calée dans le calendrier gouvernemental. Beaucoup craignent qu’un possible changement de ministre de l’Agriculture - Didier Guillaume postulant à la mairie de Biarritz - n’allonge encore un peu plus les délais alors que pour l’heure, la date d’application des textes, reste, elle, fixée au 1er janvier 2021.