Coopération agricole : le collectif, plus fort
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Si créer de la valeur partagée est dans l’ADN des coopératives, elles doivent renforcer leur lien, rendre plus visible leur modèle pour gagner en compétitivité et confiance. L’enjeu économique se situe au niveau européen, celui de l’opinion au niveau local. Les clés de la cohésion territoriale sont dans les mains des coopératives. À condition qu’un cap positif soit fixé, que l’Europe protège. Pour les observateurs invités le 18 décembre à la convention de COOP DE FRANCE au Palais des congrès à Paris, la force de la coopération se trouve dans son modèle et son ancrage.
« Notre réussite dépend de la confiance et de la compétitivité ! Restaurer la compétitivité est même une urgence. » En conclusion de la Convention de Coop de France, le 18 décembre à Paris, Dominique Chargé, président de la structure appelle les pouvoirs publics à ne pas opposer les agricultures et demande de la stabilité afin de répondre à ces enjeux : « Nous avons besoin de plus d’Europe pour protéger des distorsions (…) nous avons besoin d’un cap positif. » Il est monté au créneau sur les attaques faites au monde agricole, rappelant la bonne posture : « Nous ne sommes ni victimes, ni bourreaux. La coopération doit reprendre le dessus et réparer cette fracture. » Il a aussi appelé l’ensemble des entreprises à s’engager dans Agri Sentinelles, le réseau d’alerte sur les suicides des agriculteurs. « Nous sommes la colonne vertébrale du monde agricole, nous devons agir au bénéfice de l’ensemble ». Dans ce cadre, un collectif plus fort et plus responsable, avec des valeurs fondées sur la confiance est le fil conducteur du nouveau positionnement dévoilé à l’issue du congrès : « Construisons en commun l’avenir de chacun ».
Être ensemble, une priorité
Car l’organisation même de la coopération est un atout clé dans une Europe en pleine mutation, qui ne pèsera que 6 % de la population mondiale en 2050. « Être ensemble n’est pas une contrainte du passé, mais une priorité du futur », a souligné Enrico Letta, président de l’Institut Jacques Delors, doyen de l’École des affaires internationales de Sciences Po Paris et Premier ministre italien de 2013 à 2014. Il a partagé sa vision du rôle des coopératives dans un contexte géopolitique tendu : « L’horizontalité de la coopération est à mettre en face de celle d’un monde de plus en plus connecté, lui aussi organisé sur cette même dimension. Les gains se construisent en lien, les uns avec les autres, il faut pousser ce modèle. » Et pour lui, l’Europe doit prendre le lead de l’humanisme technologique pour exister en tant que puissance, c’est-à-dire mettre ensemble progrès et respect de l’identité, face aux lois du marché qui prévalent aux États-Unis et celles de l’État en Chine. L’Europe relève aussi l’enjeu climatique avec le new deal et la nouvelle Pac, plus liée au territoire. « C’est vous qui avez la connaissance et serez les protectionnistes de ce new deal », a-t-il insisté.
L’agriculture, grand métier du futur
Autre observateur de ce monde en mutation invité à la convention Coop de France, le sociologue Jean Viard. Il estime que pour renforcer la cohésion sociale et répondre au changement climatique, l’agriculture se place comme un grand métier du futur : celui qui doit tisser les liens, redonner du sens, soutenir la révolution verte. Il a rappelé que la majorité des paysans est aujourd’hui à une heure des centres villes, que le « local » est « là où on habite » mais qu’il faut ouvrir les mentalités. « Soyez le global dans la culture locale », conseille-t-il. Si le rôle des coopératives se cale avec les attentes sociétales, elles doivent rendre plus visible leur modèle, montrer leurs atouts. Dans cet avenir, la place laissée aux jeunes agriculteurs dans la gouvernance des coopératives,leur accompagnement à l’installation mais aussi dans la transition sont essentiels.