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Désherbage, l’Inra montre qu’une flore adventice diversifiée a moins d’impact sur le rendement des céréales

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Des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et de la Scuola Superiore Sant’Anna de Pise publient une étude le 11 novembre, dans Nature Sustainability. Un travail qui contribue à une meilleure compréhension de la compétition entre céréales d’hiver et flore adventice, et qui « ouvre de nouvelles perspectives pour une gestion durable » des mauvaises herbes, selon l’Inra. Durant trois ans, 54 zones réparties sur six parcelles de céréales d’hiver ont été suivies. « C’est l’une des premières études à s’intéresser aux communautés d’adventices, et non pas à quelques espèces en particulier », introduit Stéphane Cordeau, chercheur à l’Inra de Dijon.

Phénomène difficile à quantifier

Concrètement, les expérimentations établissent que si les adventices sont présentes de manière « équitable », autrement dit la biomasse adventice totale est bien répartie entre les espèces, alors la biomasse adventice totale est faible et les pertes de rendement sont atténuées. La diversité « fonctionnelle » des adventices limite également l’impact sur la culture : on ne parle plus ici de biomasse, mais plutôt de diversité des caractéristiques biologiques des différentes espèces adventices. Ces deux conclusions se complètent : plus la communauté adventice est composée de plantes à biomasse similaires et/ou aux caractéristiques variées, moins il y a de compétition avec la culture, et moindres sont les pertes de rendement.

« Ces résultats suggèrent que la nuisibilité des adventices ne dépend peut-être pas que de leur biomasse, mais aussi de la diversité des caractéristiques des espèces qui la composent. Néanmoins, ils ne permettent pas d’établir des seuils de nuisibilité pour une communauté d’adventices. Trop de facteurs entrent en ligne de compte pour établir qu’une flore avec X individus de X espèces adventices réduit de X % les pertes de rendements », affirme Stéphane Cordeau.

Viser les mauvaises herbes dominantes uniquement

Toutefois, le chercheur prévient : « Notre travail n’insinue pas que les rendements élevés sont nécessairement associés à une forte diversité d’adventices ! Le message n’est pas : si vous êtes dans le mur, semez une diversité de mauvaises herbes dans vos blés. Cela n’aura jamais l’effet de réduire les adventices compétitives et dominantes. L’idée est plutôt qu’une forte équitabilité implique qu’aucune espèce ne domine, et qu’il faut diversifier les leviers de gestion pour éviter qu’une ou plusieurs mauvaises herbes ne dominent. » Et d’ajouter que des études devront confirmer la généralisation de ces résultats dans d’autres situations pédoclimatiques, avec d’autres cultures et d’autres communautés d’adventices, notamment.

Suite à la lecture de leur article, Stéphane Cordeau a déjà été contacté par des chercheurs américains, anglais et allemands intéressés pour poursuivre l’expérimentation dans d’autres contextes. En France, l’Inra envisage de simplifier son protocole pour l’appliquer à plus grande échelle, en partenariat avec les agriculteurs, les coopératives, les chambres d’agriculture, notamment.

Désherbage diversifié pour une flore diversifiée

Cette étude apporte toutefois des éléments de réflexion. Elle suggère des stratégies de désherbage plus sélectives, centrées sur les espèces dominantes et compétitrices, sans forcément chercher un « spectre d’action » trop large et préjudiciable pour les adventices minoritaires. « Or, les pratiques de désherbage actuelles ne permettent pas de gérer une espèce particulière dans une communauté complexe », note Stéphane Cordeau. « L’idée d’orienter la recherche vers le désherbage ciblé, est à creuser. » Des pistes existent déjà. « C’est l’agronomie, la diversification des leviers activés, mécaniques, agronomiques, chimiques, la rotation… qui favoriseront ces flores diversifiées. Ce que les agriculteurs appellent… le bon sens paysan », conclut Stéphane Cordeau.