Partage des données agricoles : qu’en pensent les agriculteurs ?
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Quelle vision les agriculteurs ont-ils du partage et de l’échange de leurs données agricoles ? Une bonne idée de leur diversité mais un potentiel de valorisation difficile à quantifier et à estimer. Voici ce qui ressort de l’analyse de deux études récemment publiées, l’une par l’Acta - les instituts techniques agricoles, l’autre par un partenariat entre la plateforme OKP4 Smart Farmers et le cabinet d’études Iddem.
Deux études (1), à quelques semaines d’intervalle, ont été publiées sur un même thème : le partage des données agricoles, vu par les agriculteurs. L’analyse conjointe des résultats montre que les agriculteurs interrogés, majoritairement élus dans leur coopérative, chambre d’agriculture ou autres réseaux régionaux, ont globalement une bonne idée de la diversité des données potentiellement collectées sur leurs exploitations : comptabilité, traçabilité, conduite agronomique, itinéraire technique, génétique… Cependant, le potentiel de valorisation reste encore flou et sous-estimé.
Échanger pour simplifier et obtenir des avantages
« Quand on pose la question des contreparties du partage des données, plus de la moitié des agriculteurs interrogés ne savent pas (29 %), ne veulent pas (7 %) ou désirent une compensation financière (19 %) », déclare Emmanuel Aldeguer, co-fondateur de la plateforme de ressources OKP4 Smart Farmers.
Même si la monétisation du partage et de l’échange fait débat, les producteurs voient d’autres opportunités, explique François Brun, en charge de l’agriculture numérique à l’Acta : « L’échange de données doit tout d’abord leur simplifier la vie, leur apporter de nouveaux services de qualité et leur faire gagner du temps. Ils imaginent plutôt un échange de bons procédés, entre l’ouverture de leurs données et l’accès à un service gratuit de la coopérative, ou la possibilité de devenir prioritaire pour tester de nouveaux outils par exemple. »
Le pilotage de l’exploitation est au cœur du partage des données agricoles : l’étude OKP4 Smart Farmers et Iddem montre que 83 % des sondés sont intéressés par le partage des données dans le but de se comparer aux autres producteurs.
Formaliser le consentement de l’agriculteur
À côté des opportunités potentielles, ressortent également quelques craintes : piratage, utilisation commerciale, contrôle administratif et image de l’agriculture, si les données sont sorties de leur contexte. « Ils ont peur de perdre le contrôle de leurs pratiques du fait de cette hypertransparence, développe Emmanuel Aldeguer, ce qui amène la question de la confiance envers les partenaires. L’étude classe les niveaux de confiance dans un ordre décroissant : des conseillers privés (80 %), aux centres de gestion (75 %), instituts techniques (70 %) et coopératives (65 %). »
Pour construire une chaîne de confiance, premier impératif : « généraliser le consentement » qui, selon l’Acta, permettra de préciser quelles données, pour quels usages, à destination de quels acteurs. « Tel est l’objet de nos 12 recommandations listées pour établir la confiance. La généralisation et la formalisation du consentement de l’agriculteur permet de clarifier le fonctionnement de la coopérative ou du négoce par rapport à l’usage des données. C’est bénéfique pour tout le monde car cela permet de responsabiliser et d’anticiper la réglementation. »
Consentement, confiance, bonnes pratiques, avec notamment la charte Data-agri de la FNSEA et des JA… Les outils et services du numérique émergent et s’agrègent. À termes, le projet Multipass, porté par Arvalis, vise à développer « l’écosystème de gestion des consentements », ce qui, en d’autres mots, permettra notamment de délivrer un tableau de bord où l’agriculteur pourra piloter son consentement en cochant et décochant des options… Attention toutefois à rester dans la bonne case !
(1) L’étude « Quelles opportunités et craintes sur les échanges de données agricoles : Point de vue des agriculteurs » a été menée par l’Acta, sur une trentaine d’agriculteurs, dans le cadre du projet Multipass qui a pour but de fournir à l’agriculteur un tableau de bord de l’utilisation de ses données.
L’étude « Les agri-décideurs parlent du partage de leurs données agricoles » a été réalisée par OKP4 Smart Farmers et le cabinet Iddem, en interviewant 130 agriculteurs par téléphone pendant 30 minutes.