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Éloi Flipo, de voies navigables de France (VNF) - « Nous avons le potentiel de tripler, voire quadrupler le transport fluvial en France »

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Prônées pour leurs atouts économiques et environnementaux, les voies fluviales françaises ont les capacités de transporter encore davantage de matières premières agricoles. Toutefois, les aléas climatiques et le sous-investissement récurrent fragilisent certains axes, notamment les voies à faibles gabarits. Éloi Flipo, responsable du développement fluvial chez Voies navigables de France (VNF) nous explique comment.

Référence-appro.com : Comment évolue le trafic fluvial des céréales en France ?

Éloi Flipo  : « Sur le premier semestre de 2019, le trafic fluvial de marchandises a progressé de 13,4 % en tonne-kilomètre (t-km) (1) par rapport à 2018, toutes filières confondues : énergie, métallurgie, etc. Mais la progression a été encore plus forte pour la filière céréalière avec une progression de 23 %, pour atteindre l’équivalent de 1,1 milliard de t-km (+ 205 Mt-km). Cela s’explique en partie par la bonne récolte de 2018 et la reprise des exports vers le port de Rouen. Le réseau Rhône-Saône progresse aussi considérablement ces dernières campagnes, et la filière céréalière est le premier facteur de croissance sur cet axe. Le doublement des capacités des silos de Tellines, dans les Bouches-du-Rhône, en 2017, a constitué un vrai appel d’air. En 2016, le transport de céréales sur cette voie s’élevait à 498 000 t-km, et est passé à 622 000 en 2018. À terme, il pourrait progresser de 500 000 t-km par an pour tripler par rapport à 2016.

R-A : Certains réseaux ont, ces dernières années, été très handicapés par des épisodes de crues et de sécheresse. Quelles ont été les conséquences ?

E.F : La sécheresse de l’été 2019 a particulièrement touché les voies navigables en Bourgogne, notamment la zone Nord-Ouest, qui rejoint Rouen. Sur les 1200 km de voies à petit gabarit, 360 km ont été fermés par manque d’eau. À l’inverse, certaines écluses ont connu des avaries avec la crue de la Seine en 2017. S’en sont suivis de lourds dégâts et des contrats non remplis. Dans ces cas-là, VNF prend les dispositions nécessaires, notamment financières, pour remettre en état en urgence les ouvrages et permettre de rétablir la navigation, voire pour indemniser les clients. Le réseau français aurait besoin de 330 M€ par an et pendant dix ans pour sécuriser et remettre en état les voies navigables. Nous allons finir par approcher ces sommes si les subventions de l’Etat se maintiennent et que nos ressources financières progressent. Nos dépenses d’investissement ne se limitent pas en effet à la subvention de l’Etat, nous investissons aussi sur nos fonds propres.
Ces sommes sont avant tout consacrées aux réseaux à grand gabarit. Concernant les voies à petit gabarit, nous rencontrons les opérateurs privés pour identifier les projets viables dans le temps. Nous réfléchissons aussi à des synergies avec la SNCF pour proposer des offres multimodales et formaliser des alternatives en cas d’indisponibilités des voies, fluviales ou ferroviaires. Nous adaptons aussi les effectifs sur les 1850 écluses du réseau en introduisant des méthodes plus modernes, comme le pilotage des écluses à distance dans des centres.

RA : Quelles sont les marges de progrès du transport fluvial pour la filière céréalière ?

E.F. : Le trafic fluvial pourrait facilement tripler ou quadrupler sur le réseau à grand gabarit, et ce, sans changer les caractéristiques d’ouvrage. Le principal frein reste le manque de notoriété de ce type de transport auprès des décideurs : le transport routier reste encore très ancré dans les habitudes. Le transport par voies d’eau demande certes un effort d’organisation au début, mais une fois qu’il est calibré, il fonctionne très bien et s’avère économique et écologique.

(1) La tonne-kilomètre est une unité de mesure de quantité de transport correspondant au transport d’une tonne sur un kilomètre. Elle permet ainsi de comparer tous les types de transports : routier, fret, fluvial, maritime, etc.

Encadré /// Les chiffres clés du transport fluvial et de la filière céréalière en 2018 :

Plus de 25 % du transport fluvial global

13 Mt transportées, dont 6,16 Mt de blé

  • 12,5 % de trafic en volume à l’échelle nationale

    1,84 Mt transportées sur le bassin Seine-Oise à destination du port de Rouen