Euralis et Lur Berri : « Un projet global de filière pour créer de la valeur », Guillaume Gautron
Le | Cooperatives-negoces
Lur Berri, coopérative agricole basque, prend en charge la collecte et la commercialisation des bovins d’Euralis, coopérative du Sud-Ouest, dans le cadre d’un partenariat annoncé le 25 octobre 2024. Guillaume Gautron, directeur général délégué à la branche animale de Lur Berri, souligne l’importance de répondre aux besoins des abattoirs locaux et de contractualiser avec l’ensemble de la filière pour sécuriser les revenus des producteurs.
À quels objectifs répond le rapprochement opéré entre Euralis et Lur Berri ?
Concrètement, c’est une adhésion d’Euralis Bovin à Lur Berri Bovin. Cela fait partie d’un projet d’entreprise plus global. La filière bovine est un des piliers historiques de Lur Berri. La coopérative a été créée autour de deux secteurs, le bovin et les semences de maïs. Nous avons un projet stratégique de structurer et pérenniser notre filière bovine sur notre territoire. Pour cela, nous avons identifié trois piliers principaux :
- Développer l’engraissement, avec l’objectif de démarrer une production autour de 5000 repoussées, une production de 6000 jeunes bovins et une production de 10 000 vaches grasses ;
- Sécuriser notre volume de broutards, pour justement faire du repoussé et du jeune bovin. Dans cet objectif, nous avons repris le négoce privé Alliance occitane (Hautes-Pyrénées) en décembre 2022 ;
- Enfin, mettre en place des synergies commerciales. Pour cela, nous avons deux outils internes :Pédefer, notre outil d’aliment mash, que nous voulions spécialiser autour du ruminant et notamment autour du bovin viande. Il fallait pour cela des volumes et des filières.
Le deuxième outil concerne la filiale Ax’El, spécialisée dans l’équipement d’élevage. Le but était de consolider cette activité autour de l’équipement de bâtiments pour faire du repoussé, du jeune bovin et des vaches grasses.
Toute cette stratégie nous a amené à discuter avec nos collègues d’Euralis. Notre volume global était aux alentours des 70 000 têtes, se rapprochant des tailles critiques qu’on retrouve dans d’autres régions de France. Euralis présentait un volume entre 10 000 et 11 000 têtes. Cela nous paraissait donc opportun de tendre vers une adhésion. Derrière cela, l’objectif est de diminuer nos coûts de collecte en ferme, parce que nous sommes sur le même territoire. Chacun garde ses adhérents, mais nous mutualisons les outils de collecte en ferme et d’allotement, afin de trier les animaux dans nos centres et de les remettre vers les bons débouchés, et ainsi assurer la commercialisation en aval, et créer de la valeur. L’adhésion d’Euralis est l’aboutissement de deux ans de travail de structuration et de pérennisation de notre filière.
Au-delà d’atteindre une taille critique, nous souhaitons également développer un ERP commun, afin d’annoncer les animaux sur un même outil et de pouvoir les collecter en ferme par une flotte unique. Nous visons également à travailler ensemble sur tout ce qui relève de la contractualisation avec l’aval, pour continuer à développer les services aux adhérents. Atteindre une taille critique permet de réaliser des économies d’échelle. Désormais, à nous de déployer ce nouveau schéma directeur.
Dans quelle stratégie s’inscrit cette volonté d’augmenter vos volumes ?
L’objectif est de pouvoir répondre aux besoins des abattoirs locaux avec qui nous travaillons. Nous avons la chance, dans les Pyrénées-Atlantiques, d’être le département de la région Nouvelle-Aquitaine qui a le plus d’abattoirs. Mais c’est aussi une région où un certain nombre d’abattoirs sont en manque de volumes. Cela pose d’autres questions de pérennisation de la filière. Nous devons pouvoir honorer l’ensemble des volumes commandés par nos partenaires de l’aval. Il est important que nous puissions être un opérateur régional qui puisse répondre et satisfaire l’ensemble des débouchés régionaux, mais aussi de nos voisins, notamment en broutards, en Espagne, en Italie, et en Tunisie.
Il y a deux dossiers concernant les abattoirs locaux : le premier dossier est de développer les engraissements de vaches grasses - c’est un objectif que nous nous sommes fixés - et des ateliers pour garder les vaches maigres sur notre territoire. Aujourd’hui, ces dernières sont collectées sur notre territoire et sont engraissées sur d’autres, dans les Deux-Sèvres ou la Vendée.
Le deuxième dossier concerne la production de jeunes bovins, plutôt destinés à l’export mais qui deviennent aussi une alternative pour faire tourner les abattoirs locaux. C’est par l’engraissement de jeunes bovins et de vaches grasses que nous sécuriserons les volumes. Sur notre territoire, nous avons à la fois les animaux, les coopératives et les abattoirs. Si nous travaillons tous ensemble, nous créerons de la valeur. En revanche, si nous ne le faisons pas, nous nous retrouverons tous dans l’impasse.
La clé du succès est de contractualiser avec l’aval. Les enjeux autour des jeunes bovins et des vaches grasses sont plutôt des dossiers filière. Nous encourageons la création de filières qui nous aideront à structurer. Nous avons besoin de travailler avec l’ensemble de la filière, pour pérenniser, avec des contrats qui permettent de sécuriser les revenus des producteurs. Nous sommes face au mur. Nous avons toujours eu la volonté de le faire, mais cela devient compliqué d’avancer quand nos partenaires clients de l’aval connaissent des difficultés. Jusqu’à maintenant, ils avaient des animaux dans leurs abattoirs. Aujourd’hui, il y en a moins, donc ils se posent des questions de pérennité de leurs outils, ce qui est normal.
Des projets d’adhésion semblables sont-ils en réflexion pour le futur ?
À date, nous n’avons pas prévu d’autres projets de ce type. En revanche, nous avons des projets dans chaque filière d’élevage, car à Lur Berri, nous sommes acteurs dans toutes les filières animales, ce qui n’est pas forcément le cas des coopératives de la zone, qui se concentrent davantage sur la volaille, canard et poulet. Pour nous, c’est important d’être aussi apporteur de porcs et de bovins, car les outils d’abattage tournent essentiellement avec du cochon. Pérenniser les outils passe par la pérennisation des élevages de porcs, permettant ainsi de pérenniser les élevages bovins avec des abattoirs locaux.
Sur la partie poulet, nous avons des projets pour produire du poulet du quotidien, en interne. Et sur la partie canard, nous sommes déjà impliqués au niveau filière avec la marque Labeyrie, donc nous sommes déjà dans des logiques de filière sur ces dossiers.