Fin juin, Jean-Xavier Mullie tournera la page Agora
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À 64 ans, Jean-Xavier Mullie quittera, fin juin, la direction de la coopérative Agora, après 33 années passées dans l’entreprise. Agnès Duwer, l’actuelle directrice de la Scara, lui succédera. Elle échange dejà régulièrement avec l’équipe d’Agora : l’occasion de prendre ses marques dans une entreprise en pleine transformation.
Prise de hauteur sur l’évolution de la distribution agricole, des attentes des agriculteurs, avec Jean-Xavier Mullie, directeur d’AGORA, avant son départ en retraite. Fin juin, il laissera la place à Agnès Duwer. Focus sur les choix stratégiques et projets de cette coopérative située à Compiègne, qui a été l’une des premières à se prononcer pour le maintien du conseil.
En 1987, vous preniez la direction de la coopérative agricole de Compiègne, devenue depuis, après fusion avec seize autres structures, Agora. Quels ont été selon vous, durant cette période, les plus grands changements du monde agricole ?
Quand j’ai débuté dans le métier, dans les années 80, les agriculteurs picards n’avaient qu’une mission : produire toujours plus de tonnes de blé et de betterave. Un objectif parfaitement atteint avec à la clé, il faut bien le reconnaître, des revenus confortables. Mais depuis quelques années, ce modèle économique ne tient plus : volatilité accrue du cours du blé et une betterave qui n’est plus aussi rentable. Aujourd’hui, les agriculteurs, de vrais chefs d’entreprise, doivent continuer à penser productivité mais aussi diversification et rentabilité. Les céréaliers se tournent vers les pommes de terre, le lin, les légumes ou des projets de méthanisation. Les attentes des consommateurs/citoyens sont également plus fortes.
Les agriculteurs sont-ils réceptifs à ces nouvelles attentes des consommateurs/citoyens ?
Aujourd’hui plus qu’hier car le citoyen a pris le pouvoir ! Le consommateur veut des produits bons pour la santé et l’environnement. Les politiques font écho à ces attentes via de nouvelles réglementations. Le monde agricole n’a pas d’autre choix que de s’adapter. Dans ce contexte, les modes de production évoluent : l’agronomie revient au cœur des échanges, les alternatives en santé végétale fleurissent, le recours aux OAD, à l’agriculture de précision se développe. Le métier d’agriculteur va continuer à évoluer : le rôle de la coopérative également.
Dans quel sens ?
L’enjeu n’est plus de payer quelques euros de mieux que le voisin la tonne de blé. Notre facteur de pérennité ? Notre capacité à accompagner chaque agriculteur dans son propre modèle de production, qu’il soit bio, conventionnel, HVE, tourné vers l’agriculture de conservation ou autre. Nous devons faire preuve d’intelligence collective pour être reconnu pour notre expertise et créer de la valeur pour l’agriculteur.
Au sein d’Agora, le changement est déjà engagé depuis quelques mois déjà. Quels sont les premiers retours ?
Depuis juillet 2019, nous avons pris la décision de dissocier le conseil de la vente des produits phytos, en anticipant ainsi la future séparation, attendue pour le 1er janvier 2021. Trois formules d’accompagnement sont proposées en fonction du niveau de conseil souhaité par l’adhérent. Nos TC se disent très heureux de ne plus parler de prix de produit ! Ils sont désormais reconnus pour leur technicité. Un agriculteur satisfait de cet accompagnement se tournera vers nous également pour la vente de sa récolte. Pour la coopérative, cela signifie accepter de perdre 50 % de la marge réalisée sur les phytos pour la compenser en partie par une prestation de conseil ajustée.
Votre coopérative a été l’une des premières à se préparer à la séparation avec un intérêt fort pour conserver l’accompagnement des adhérents. Elle a également participé à la construction de la plateforme Aladin. Comment concilier ces deux activités ?
Juridiquement, nous n’avons pas encore la réponse à cette question. Nous y travaillons. Pour Agora, la valeur se trouve dans l’accompagnement des agriculteurs. Mais nous savons aussi que si nous abandonnons la vente des produits de santé végétale, des concurrents arriveront dans chaque exploitation avec une offre globale. Nous nous devons donc de trouver une organisation permettant d’assurer les besoins d’appro de nos adhérents pour ne pas déstabiliser tout notre modèle. La plateforme Aladin nous offre la possibilité de digitaliser l’ensemble de notre offre produits et services. Mais attention, Aladin, est un moyen pour s’adapter : ce n’est pas une stratégie. À nous ensuite de repenser notre chaine logistique et notre organisation terrain pour rechercher de la productivité sur ce marché.
Vous quittez donc l’entreprise à un moment stratégique. Pas de regret ?
Le challenge qui attend Agnès Duwer s’annonce effectivement passionnant. Mais c’est sans regret pour moi car mes années actives ont également été très bien remplies. Au 30 juin, je tournerai définitivement la page de la coopération et dès le 1er juillet, Agnès aura les rênes de la coopérative et apportera son vent de fraîcheur ! Je quitte Agora serein car la future directrice s’inscrit totalement dans la volonté de changement affichée par la coopérative : c’est d’ailleurs ce qui a convaincu le conseil d’administration.