Gestion des marchés : et si vous vous passiez des fondamentaux ?
Le | Cooperatives-negoces
Pour Daniel Maurel, directeur général de Neocoop, finie la consultation quotidienne des fondamentaux des marchés. Pour arbitrer la vente d’une partie des 30 000 tonnes collectées en moyenne chaque année par sa coopérative, il se tourne vers les marchés à terme et s’épaule depuis près de dix ans des conseils de Virginie Ciesla-Maudet, du cabinet Assertis. Son créneau ? « Surfer sur les tendances ». Pour Daniel Maurel, c’est moins de stress et des relations plus transparentes avec ses clients meuniers. Il nous explique pourquoi.
Neocoop, née de la fusion fin 2020 du Grenier coopératif albigeois et de la coopérative de Carmaux, collecte entre 25 et 30 000 tonnes chaque année. « Dont la moitié en blé tendre et le reste, réparti en une dizaine d’autres espèces (1), précise son directeur général Daniel Maurel. Si une majorité des volumes d’orge, de triticale et de maïs sont vendus à nos éleveurs, les oléagineux le sont via des courtiers et les blés, par contrats à des meuniers locaux ou chez nos voisins espagnols. La plupart des contrats des adhérents sont en prix fermes mais pour les gros volumes, les prix sont indexés sur le marché à terme Euronext. »
Comprendre la psychologie des opérateurs
Dans son quotidien bien chargé de directeur général, difficile pour Daniel Maurel d’avoir un œil régulier et pertinent sur les tendances. « Dans le passé, j’essayais d’analyser les fondamentaux : l’offre, la demande, les stocks, le contexte géopolitique, l’impact de la hausse de telle ou telle devise… Cela générait beaucoup de stress et compliquait la prise de décision car dix analystes pouvaient dresser dix avis différents », confie-t-il. Voilà pourquoi, depuis dix ans, il s’appuie sur les conseils de Virginie Ciesla-Maudet, fondatrice d’Assertis, un cabinet dédié à l’analyse technique des matières premières agricoles. « Mon rôle : anticiper l’évolution des marchés en analysant le comportement des acheteurs et des vendeurs, influencé notamment par leurs émotions, explique-t-elle. Les marchés ne se réduisent pas à des courbes et des chiffres ! Les observer, cela revient à comprendre la psychologie des opérateurs pour mieux anticiper leurs réactions. »
Gérer l’incertitude
Le facteur différenciant de Virginie Ciesla-Maudet ? « L’analyse technique des marchés. Je ne prédis pas, je surfe sur les tendances, résume-t-elle. Les marchés nous envoient des signaux d’achat ou de vente qu’il faut interpréter dans l’immédiateté. Je me dois d’être réactive, agile et disponible pour mes clients dès qu’ils ont un doute. J’accompagne ainsi au quotidien la « gestion de l’incertitude », via des probabilités. Bien sûr, l’évolution des cours prend parfois une direction différente de notre scenario privilégié, mais en moyenne, près de 80 % de mes scénarii sont validés ! »
Des scénarii, au conditionnel
« Au-delà du marché physique, les échanges avec Virginie m’aident à prendre du recul par rapport à la volatilité des marchés qui, parfois, peut faire peur, confie Daniel Maurel. Elle ne me dira jamais « achète » ou « vend ». En revanche, elle me proposera différents scénarii, toujours au conditionnel, éclairés d’options à mettre en place en fonction de l’évolution des marchés. Elle me donne des arguments, que je sois acheteur ou vendeur. D’ailleurs, l’un de mes clients meuniers travaille également avec Assertis. Nos relations sont depuis plus fluides, plus transparentes car nous avons la même information au même moment. Si elle me dit, attention le marché est baissier, je vais m’arbitrer à la baisse. Alors que le meunier va se dire : je vais attendre pour acheter le blé moins cher. »
Poser un autre regard sur les marchés volatiles
Virginie Ciesla-Maudet est consciente que son approche peut surprendre, voire générer de la méfiance. « Beaucoup n’y croient pas… dans un premier temps, sourit-elle. Depuis 15 ans, l’analyse des fondamentaux ne fonctionne plus aussi bien : la volatilité est trop forte et les marchés trop perméables. Nous nous devons de penser différemment. J’utilise les mêmes outils que les opérateurs des salles de marché. Mes clients sont des coopératives et négociants en grains, des meuniers, des fabricants d’alimentation animale et industriels de seconde transformation : des entreprises de toutes tailles qui ont souvent, en interne, un responsable des marchés. En faisant appel à mes services, ils bénéficient d’un autre regard, d’une prise de distance, d’une autre approche des tendances, de plus en plus complexes à analyser. Cela les aide à mieux vivre leurs prises de décisions. »
(1) Orge, maïs, triticale, colza, tournesol, soja, lupin, pois, lin, féverole… 10 % des volumes sont bio.