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Grèves SNCF : la filière agricole lourdement touchée

Le | Cooperatives-negoces

Désorganisation complète, manque de visibilité, surcoûts, pertes de contrats… La grève SNCF ne fait que commencer et déjà, le monde agricole tire la sonnette d’alarme. L’inquiétude est vive. Le fret, lourdement touché, pénalise tout un pan de l’activité agricole : des OS aux silos portuaires en passant par les usines d’alimentation animale et les amidonniers, sans oublier les clients étrangers.

Lundi 2 avril 20h. Top départ de la grève SNCF censée durer jusqu’au 28 juin à un rythme de deux jours et trois nuits tous les cinq jours. Après la première salve, le constat est sans appel. C’est la pagaille… pour rester poli ! « Chez Axéréal, nous chargeons six à huit trains de céréales par jour, rappelle Jean-François Loiseau, le président du groupe. La semaine dernière, 33 trains ont été annulés. Certains contrats sont d’ores et déjà rompus. Les clients vont chercher ailleurs. C’est la compétitivité même de la Ferme France à l’export qui est en jeu. Cette année, nous n’avons vraiment pas besoin de cela. Cette grève va nous coûter des millions d’euros ! Le pire c’est qu’Axéréal a déboursé 4 M€ pour rénover des lignes capillaires et aujourd’hui, on nous prive de cet outil de travail. C’est honteux. »

Les silos portuaires, au ralenti

Les silos portuaires sont bien évidemment touchés par cette grève. « En deux jours, aucun train n’a circulé, constate Alain Charvillat, directeur céréales export chez Sénalia, implanté sur le port de Rouen. Et le jeudi, quand le trafic a repris, force est de constater que le fret n’était pas prioritaire. La remise en route est laborieuse. En réalité, cela nous pénalise plus de deux jours ! » Chaque semaine, Sénalia réceptionne en moyenne 10 à 15 trains, contenant chacun 1300 tonnes de céréales, pour l’export. Une partie des tonnages a pu être acheminée par camions ou péniches mais pas tout ! Un train, c'est 40 à 45 camions.


Désorganisation, embouteillage et surcoûts

Même constat à la Sica Atlantique sur le port de la Rochelle. « Sur le site, 40 % du trafic est réalisé par trains, rappelle Simon Aimar, directeur des activités céréales. Tous les flux sont actuellement désorganisés avec une visibilité pour les jours à venir, nulle. Cette situation nous inquiète d’autant plus qu’il reste encore de la marchandise à sortir des fermes. Les camions ? Oui bien entendu mais tout le monde se tourne vers cette solution. Il n’y en a pas assez pour tout le monde. Sans compter que cette solution complique la logistique, perturbe la gestion du personnel et génère des surcoûts non négligeables : plusieurs euros par tonne ».

Certains distributeurs ont quant à eux émis la possibilité de réorganiser le travail de leurs salariés : les faire travailler le week-end par exemple pour compenser les jours de grève en pleine semaine.


3 trains sur 20, les fabricants d’aliments inquiets

Les industriels aussi s’inquiètent. « Premiers utilisateurs du fret ferroviaire en Bretagne pour l’approvisionnement de leurs usines, les fabricants d’aliments pour animaux cherchent des solutions, confie Laurent Morin, délégué général de Nutrinoë. Nous multiplions les échanges avec le Gouvernement et la SNCF pour leur faire prendre conscience des conséquences désastreuses de cette grève. En général, vingt trains arrivent chaque semaine en Bretagne dans les différentes usines. La semaine passée, seuls trois sont parvenus à destination. Certaines usines dépendent à 100 % du ferroviaire. On essaie de se tourner vers les camions mais cette solution couvre à peine la moitié des tonnages ».


Ligne à peine réouverte, déjà en grève

Le 12 mars, la coopérative d’Esternay célébrait la réouverture de la ligne de fret Oiry-Esternay, dans la Marne. « Pour coller avec cette réouverture de ligne, nous avons regroupé les trains en avril, mai et juin, explique le directeur Bruno Hamet. Cette grève nous met dans une situation très compliquée. Nos silos sont pleins et Roquette, l’amidonnier chez qui nous livrons, a besoin de la marchandise. Je n’ose imaginer les conséquences si la grève devait durer jusqu’en juin. Il faudra alors jongler entre la sortie des céréales de l’ancienne récolte et la réception de la nouvelle. Une vraie pagaille ! »


Camions et péniches, à plein régime

Advitam, qui possède pas moins de 13 silos implantés bord à canal, profite de cette situation pour soulager certains confrères. « Nous avons une capacité de chargement de 15 à 20 péniches par jour, explique Maurice Caillaud, directeur céréales. Nous tournons à plein régime. De même, nous avons revendu certains contrats de notre flotte camions à des industriels comme Roquette ou Syral, la filiale de Tereos ». Mais vu la pluviométrie de ces derniers mois, le niveau des canaux et fleuves est haut : une situation qui ne permet pas toujours aux péniches de passer sous les ponts. La situation s’annonce donc très complexe quelle que soit l’option de substitution retenue.