Jean-Marie Larcher, Axéréal - « Sans Cruiser OSR, la filière colza française perd de sa performance économique »
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La volonté de Stéphane Le Foll, ministre chargé de l’Agriculture, de retirer l’AMM du Cruiser OSR a suscité de nombreuses réactions de la part de la profession et des associations environnementalistes. Référence-Appro a souhaité recueillir celle de la distribution. Parole à Jean-Marie Larcher, responsable du service agronomique d’Axéréal.
Référence-appro.com : Comment percevez-vous la volonté du ministre chargé de l’Agriculture de retirer l’AMM du Cruiser OSR ?
Jean-Marie Larcher : Cette décision me semble plus politique que scientifique, et prise sur la base du principe de précaution, qui s’applique de façon un peu systématique… La France a autorisé ce TS colza il y a seulement un an et décide maintenant de l’interdire. Il n’y a par ailleurs aucune logique européenne. De nombreux autres pays européens l’utilisent depuis sept ans, sans rencontrer de problème. La France se démarque et crée ainsi une distorsion de concurrence défavorable à sa filière colza.
RA : A combien chiffrez-vous les pertes économiques engendrées ?
J.-M. L. : Les expérimentations que nous menons sur ce TS depuis près de dix ans maintenant montrent qu’il procure un gain moyen de 2 à 3 q/ha à la récolte. Ce qui équivaut, pour le producteur, à plus de 100 euros/ha supplémentaires, soit 3 000 euros pour les exploitations de notre région, qui comptent en moyenne 30 ha de colza. Le préjudice économique pour la filière colza française se chiffrerait à 100 millions d’euros, un différentiel inacceptable.
Propos recueillis par Gaëlle Gaudin
RA : Le ministère avance que les producteurs disposent d’autres solutions, à savoir les produits en végétation. Qu’en pensez-vous ?
J.-M. L. : Les produits en végétation représentent en effet une solution mais pas équivalente. Non seulement le Cruiser OSR permet de s’affranchir de un à trois traitements contre les altises et contre les pucerons, mais il offre une sécurité, une meilleure protection, notamment contre les viroses. Entre une parcelle traitée en végétation et une autre ayant reçu le TS, nous avons parfois eu des écarts de 3 à 5 q/ha. Car les solutions en végétation ne sont pas toujours faciles à positionner par rapport aux vols des parasites. Les pucerons verts, vecteurs de viroses, sont parfois fugaces et les dégâts de viroses ne se voient qu’après l’hiver. La protection contre les altises est par ailleurs importante car elle sécurise le peuplement, or depuis les variétés hybrides, les densités de semis sont réduites. Dans les zones vulnérables, où les repousses de colza doivent être maintenues, ces dernières sont retournées avant l’implantation des blés et les altises qui s’y trouvent migrent sur les jeunes colzas : elles peuvent, en une journée, faire énormément de dégâts sans que le producteur ait le temps de réagir. D’où l’intérêt du TS.